André:
Ce que je retiens de 2015; l’explosion exponentielle des prix des single malts versus une qualité qui ne suit pas toujours la courbe ascendante des prix et un marché qui cherche toujours à suivre la demande en passant aux No Age Statement.
Mon coup de barre, vers novembre, la parution au Canada du Laphroaig 15 ans à 185$… avec –avouons-le – un résultat discutable. L’augmentation insidieuse des prix depuis une dizaine d’années est difficile à comprendre. En fouillant dans ma whisky room, il m’arrive de tomber sur des bouteilles achetées voilà une décennie qui ont encore les étiquette de prix et lorsque je compare aux prix du marché actuel, je dois avouer qu’Il m’arrive d’être abasourdi. Ce même Laphroaig 15 ans (de qualité fort supérieure) que j’avais payé 75$ dont j’avais eu la bonne idée d’acheter 2 bouteilles…
Mon coup de pelle : L’imbroglio autour des deux dernières parutions de Compass Box à qui l’on reprochait de « dévoiler » les recettes composant leur derniers opus… What? Cum on!!! On reproche de dire aux acheteurs ce qu’il boiront dans leur dernier achat? Sérieusement, de quoi laisser un doute sur ce qui compose votre whisky préféré, surtout à l’aube du tsunami « No Age Statement »… C’est comme si on avait peur de nous dire « on vous vend d’la merde mais on veut pas vous le dire »… Pour le moins… douteux. Laisser le choix oui, l’imposer, peut-être pas, mais interdire ?
Encarcanné dans les limitantes imposées par la SWA, les distilleries pourraient au moins faire preuve de diligence et d’originalité dans les noms attribués aux dernières éditions : Chairmans Reserve, Distillers Selection, Founders Choice ou Reserve… Sérieusement?!?! Un whisky NAS Grand Public : Le meilleur choix du distillateur ou du président ou du distillery manager? You kidding??!?! Tout comme l’appellation Limited Edition, qui a le dos large et qui est une notion très élastique pour certaines distilleries. Tsé quand la batch à 18,000 bouteilles, lâchez nous avec le Limited edition…
La tendance des marché est pourtant de plus en plus au cocooning et aux plaisirs sédentaires (disons). Les gens sont friands de produits du « terroir », de nourriture locale, de vins et de bière. Le saut pour passer au whisky est donc presque naturel pour bien des consommateurs qui ont appris à respecter les alcools forts quel qu’ils soient. Mais comment attirer un nouveau public dans la vingtaine à débourser un 100-150$ sur une bouteille de single malts, en plus de faire face à une demande si agressive sur le marché?
D’où l’engouement pour les produits locaux, les bourbons et les whiskies de micro-distilleries qui sont fort abordables. (sauf quelques exceptions comme le Van Winkle pour exemple). Il faut savoir patiner pas mal pour trouver solution à ce problème et les distilleries Écossaises ont trouvé leur salut dans les whiskies sans mention d’âge.
C’est aussi là que le club de whisky trouve toute sa valeur. Pour un prix raisonnable, les gens peuvent goûter à plus de 100 whiskies par années et décider d’investir leur 100-150$ sur un bull-eye whisky, un sure-shot sans avoir à le regretter.
Je lève mon chapeau aux distilleries Aberlour, avec les stellaires Abunadh qui demeurent selon moi un des meilleur deal sur le marché (si vous passez aux USA, plusieurs États le vendent environ 60$… imaginez…) et à Glenlivet qui avec son Founders Reserve a réanimé cette distillerie presque sur le respirateur artificiel. De plus le Nadurra Sherry CS et les 2 single cask sont à mon avis les meilleurs présenté par la distillerie depuis des lustres et sont de loin supérieurs aux 18, 21 et même le 25 ans d’âge de la même distillerie.
Ardbeg, qui est passée sous le radar de la polémique NAS et qui nous refilait des whiskies sans mentions d’âge depuis bien avant Macallan, mais qui demande maintenant près de 170$ pour un whisky sans mention d’âge joue sur une limite bien dangereuse.
Malheureusement, les éditions 200eme anniversaire des distilleries Ardbeg et Laphroaig sont presque un mauvais présage de l’univers du whisky Écossais et nous offrent peu de raisons de lâcher son fou et de célébrer…
Ma plus grande déception, Auchentoshan… à toute les fois que j’ai un échantillon que je dois évaluer, j’en repousse presque le délais. La série Valinch, le American Oak… ouch… On a presque plus à se demander pourquoi il n’existe pratiquement plus de distilleries dans le Speyside avec des éditions du genre. Sinon, les distilleries sont à s’adapter aux nouvelles lois du marché. Certaines s’en tirent bien, d’autres avec plus de difficultés.
Côté personnel, j’ai eu la chance de savourer certains des whiskies les plus rares depuis que je gravite dans le monde du whisky; Glenmorangie 1963, Glen Grant 50 ans, Highland Park 1968 et 78, certains grain whiskies des années 60, une dégustation de 5 éditions de la distillerie Dallas Dhu des années 70 et 80… en plus de rencontrer des gens passionnés qui travaillent dans le métier. Y’a bien le whisky qui est intéressant mais les gens qui le conçoivent offrent souvent « le petit plus » à votre expérience de découverte alcoolisée. Y’a pire comme hobby vous me direz…
Voici donc mon palmarès perso de mes découvertes whiskies de 2015. Mais peu importe les résultats de cette année, si vous me demandez « Quel est ton meilleur whisky à vie? », je vous répondrai soit « celui que j’ai dans la main ou le prochain que je dégusterai » !
Il faut s’ouvrir aux découvertes, oser des pays producteurs souvent délestés (Inde, Suède, Australie, Taïwan, etc), des types de whiskies différents (rye, bourbons, blends) ! Vous passez probablement à côté de belles surprises si vous vous privez de sortir des sentiers battus. Ce qui est agréable du monde du whisky, c’est qu’on y trouve toujours quelque chose de nouveau ou de meilleur, c’est comme un film de Star Trek alcoolisé… Osez jeunes Padawans!
Patrick:
2015 fut marquée par la continuité des tendances observées ces dernières années, pour le meilleur et pour le pire. Globalement, les ventes de scotch sont en baisse tant au niveau volume qu’au niveau valeur, ce dont il ne faut pas se surprendre compte tenu de la multiplication des micro-distilleries aux États-Unis et en Europe, et surtout de la renommée croissante des whiskys américains, (les bourbons en particulier).
Si on pousse un peu plus loin notre analyse, on constate toutefois que ce sont les blends écossais qui sont surtout en perte de vitesse, alors que la catégorie single malt demeure en croissance. Le marché de Québec en est un bon exemple, la SAQ Signature enregistrant une croissance de ses ventes de plus de 250% pour ses différents whiskys.
Bref, ceux qui espèrent une accalmie au niveau des prix de leur scotch favori seront déçus. Mon conseil : Tournez-vous vers les bourbons et les whiskys canadiens pendant qu’il est encore temps! Le seul problème de ce conseil est le choix pathétique offert à ce chapitre par notre monopole d’état! L’exemple le plus flagrant est l’incurie démontrée par la « VP Spiritueux » de la SAQ : Sans même y goûter, elle refusait d’offrir à sa clientèle captive le premier « rye » québécois sous prétexte que les gens n’aiment pas le rye et ce, au même moment où Whisky Magazine et Whisky Advocate publiaient des reportages démontrant la croissance phénoménale de cette catégorie.
Bref, je me répète, mais qu’est-ce que l’État fait dans la vente de détail? La bière est déjà vendue dans les épiceries et les dépanneurs, ce qui n’empêche pas le gouvernement de prélever ses taxes, mais permet d’obtenir des prix tout de même compétitifs et surtout, une diversité de produits incroyable!
Je me dois toutefois de reconnaître une chose : Oui, les exécutifs de la SAQ ne semblent penser qu’à préserver leur privilèges, mais le niveau de compétence en matière whisky des employés sur le plancher est partout en croissance, et généralement plus que respectable. Bravo!
Quelques items en vrac :
Malheureusement, les whiskys japonais sont maintenant quasi-impossible à trouver. Partout, les « no age statement » remplacent des whiskys autrefois adulés et je n’ai aucun espoir de voir la situation s’améliorer dans les prochaines années.
Heureusement, les producteurs de whiskys américains et canadiens nous offrent de plus en plus de produits excitants, le tout à un coût qui demeure raisonnable. Aussi, l’explosion mondiale du phénomène des micro-distilleries nous assure qu’il y aura toujours plus de nouveaux whiskys avec des saveurs inédites! Que demander de plus?
La SAQ : A quand une commission Charbonneau sur le fonctionnement de la SAQ? Mes discussions avec différents intervenants du marché des alcools aux Québec portant sur l’opacité du processus d’acquisition de produits par la SAQ m’a mené vers la conclusion suivante : Ou bien les gens en charge font preuve d’une incurie incroyable, ou bien ils sont corrompus.
En conclusion :
En 2016, le Club de Scotch Whisky de Québec, ainsi que son portail quebecwhisky.com, vous permettront encore de naviguer au travers de l’incroyable diversité du monde des whiskys. A un coût raisonnable, vous pourrez déguster des scotchs qui ne sont pas à un coût raisonnable et surtout élargir vos horizons en découvrant de nouveaux whiskys des quatre coins de la planète!
Au plaisir de vous revoir et de partager un bon dram ensemble! Slainthe!
Martin:
Quelques points m’ont marqué en 2015. Difficile de passer sous silence le couronnement controversé en novembre dernier du meilleur whisky au monde selon l’expert Jim Murray, le bien de chez nous Crown Royal Northern Harvest Rye. Pour y avoir goûté moi-même, purement basé sur la valeur du dit whisky je dois à priori me prononcer en désaccord. Vous pourrez le voir par vous-même en comparant nos critiques sur quebecwhisky.com avec le dram que vous aurez devant vous, le produit faisant très bientôt son apparition en SAQ à prix d’ami. Évaluation honnête? Possibilité d’enveloppe brune sous la table? À vous de juger.
Mais chose certaine, s’il y a un point positif dans tout cela, c’est que ça va peut-être pointer un spotlight bien mérité sur les whiskies canadiens, trop souvent oubliés ou relégués au rang de whiskies de seconde zone. Plusieurs perles peuvent être façilement découvertes si on en connait l’existence, je pense notamment aux Forty Creek et Highwood Distillers de ce monde.
Sur un autre ordre d’idées, je vais suivre mes collègues et aborder le sujet des No Age Statement. Bien que l’industrie soit confrontée à cette nécéssité qui peut être vue par certains comme une tendance, ce ne sont pas toutes les distilleries qui affrontent le défi de la même façon.
Je tairai le nom de certains producteurs qui n’ont vu dans cette crise qu’une occasion de gonfler des prix déja exorbitants pour des embouteillages qui ne cassent tout simplement pas la baraque.
Je me dois cependant de souligner les efforts réussis de Glenlivet, qui a su attaquer le problème avec une intelligence, une candeur et une transparence que peu de leurs concurrents ont eu. Chapeau au Founder’s Reserve qui garnit bien la base de la pyramide en offrant un single malt NAS honnête à un prix qui l’est tout autant. Ils avaient bien préparé le terrain quelques mois auparavant avec leur Guardians’ Chapter et l’introduction de leur excellente gamme de single casks. Toutes de belles nouveautés qui éclipsent aisément le reste des embouteillages à mention d’âge, sauf peut-être le solide 15 ans French Oak, en plus d’injecter une bonne dose d’adrénaline à une distillerie qui commencait à stagner depuis un bout de temps avec plusieurs de ses homologues écossais. Bravo Glenlivet!
Pour ce qui est de mes choix pour l’année, je me rends compte avec un peu de recul que j’ai été un peu sévère avec 2015, mais bon.
Sur ce medames et messieurs, une bonne et heureuse année 2016, et surtout, Sláinte Mhath!
Meilleur Whisky de 2015
André: Bowmore Springtide
Patrick: Douglas Laing Timorous Beastie
Martin: Bowmore Springtide
Meilleur Single Malt Scotch Whisky
André: Bowmore Springtide
Patrick: Bowmore 15 ans Laimrig 4e Édition
Martin: Bowmore Springtide
Meilleur Blended Scotch Whisky
André: Compass Box The Lost Blend
Patrick: Douglas Laing Timorous Beastie
Martin: Douglas Laing Scallywag
Meilleur Whisky Canadien
André: Still Waters Stalk & Barrel Rye Cask #17
Patrick: Legacy Small Batch Canadian Whisky
Martin: Canadian Club Chairman’s Select 100% Rye
Meilleur Whiskey Américain
André: High West « A Midwinter Night’s Dram »
Patrick: Blade and Bow 22 ans
Martin: Buffalo Trace Experimental Collection Rye 12 ans
Meilleur Whisky du Monde (autres pays)
André: Teeling Silver 21 ans 1991 Sauternes Finish
Patrick: Nikka Taketsuru 17 ans
Martin: Amrut Single Cask – Sherry Cask SAQ
Meilleur rapport qualité/prix en SAQ
Patrick: Forty Creek Barrel Select
Martin: Forty Creek Barrel Select
Meilleur « Aurait dû Gagner un Prix »
Patrick: Orphan Barrel Barterhouse 20 ans
Martin: Glenlivet Founder’s Reserve