Introduction
André:
Année bizarre que 2013, les deux solitudes du whisky étant séparées plus que jamais. D’un côté, les major avec leurs prix faramineux, des éditions de Dalmore à 10000$ pièce, les releases de Diageo à 500$ pour des 10 ans d’âge. D’un côté, des distilleries jouant la carte du savoir faire reposant sur des siècles de production, de l’autre, des micro distilleries et de nouveaux producteurs de pays quelquefois insoupçonnés, nous livrant de petites perles fort abordables en nous ramenant à l’essentiel, c’est-à-dire au contenu de la bouteille. Bien que mon whisky de l’année est une bouteille à plus de 600$, j’ai souvent été désarçonné par des whiskies plus qu’abordables, souvent sans mention d’âge (Aberlour Abunadh, Mackmyra) et j’ai aussi pu trouver réconfort dans de grands classiques redécouverts (Balvenie, Laphroaig). Même vague du côté américain qui déferle à la vitesse grand V où à chque fois que j’ai la chance de traverser la frontière, je me retrouve devant un étalage de nouveaux producteurs ayant apparu sur le marché, avec toutefois une variante au niveau des prix, les whiskies américains ayant toujours été relativement abordables. On joue ici une carte différente, on teste les limites des règlements de l’industrie, on explore le monde des céréales (Koval Millet), on bénéficie de la latitude de l’industrie. Du côté Canadien, la SAQ nous préserve de découvrir de savoureuses éditions disponibles partout ailleurs au Canada (Forty Creek) et évite bien d’encourager le commerce « local » en évitant de nous proposer la découverte de nouveaux pionniers (Stillwater) ou de vieux routard méconnus ici (Alberta Premium). J’ai eu la chance de découvrir de divines parutions qui pourraient convertir le plus obtus des amateur de single malt aux whiskies Canadiens (Highwood Distillers – LB Distillers – Mastersons – Whistle Pig) évidemment non disponibles ici. À souligner, l’arrivée prochaine de nouveaux venus dont nous avons eu la chance de goûter les échantillons « work in progress », le Stillwater rye, le divin Shelter Point, le singulier Pemberton. Avec des Highwood Distillers Calgary Stampede 25 ans à 60$ la bouteille, un Alberta Premium 30 ans à 49$… le marché des whiskies Canadiens ne demande qu’à se livrer aux amateurs de whiskies. Pouvons-nous blâmer le protectionnisme Écossais? Jamais l’industrie du whisky Écossais n’aura été aussi près d’une remise en question aussi drastique, déchirée entre une demande implosante, de la problématique grandissante de la gestion des stocks et des barils (influant sur la qualité des barils), de l’explosion faramineuse des prix. Peut-on aussi blâmer le consommateur de tenter de trouver des alternatives à cette montée exponentielle du prix des single malts?
RV:
Plus que jamais, la mondialisation des whiskies: des distilleries artisanales américaines continuent de se matérialiser un peu partout, mais la même chose du côté canadien, de l’Europe et de l’Asie. Du côté de l’Écosse, on semble encore très frileux, (peut-être dépouillé d’une couche d’imagination par les règlements SWA) mais on a quand même droit à des éditions standards (Glen Garioch) très intéressantes. Et comme la mondialisation n’apporte pas que des bonnes choses, encore cette année nous avons eut droit à des whiskies-marketing; après tout pourquoi les financiers des distilleries s’arrêteraient de créer de faux whiskies rares douteux lorsqu’ils se vendent si bien, même si le soin semble plus être sur le contenant que le contenu (que feront-ils lorsqu’il ne restera de dieux au Valhalla?). Et difficile de justifier l’augmentation totale d’un range malgré les pseudos-raisons de sélection de barils des rois de l’autosuffisance distillée (un indice: leurs nouveaux whisky ne sont ni de beaux joyaux ni de précieux métaux). Il faut donc savoir apprécier les grands classiques (après plus de 1500 autres whiskies, le Lagavulin reste mon favori) et les valeurs sûres (le Bunnahabhain 12 ans ayant été ma « petite bouteille facile » favorite).
Patrick:
Allons-y pour les “plus” et les “moins” de 2013… Les « plus » : Les artisans qui nous créent de superbes whiskys originaux aux quatre coins de la planète. En premier lieu les courageux entrepreneurs qui lancent des micro-distilleries aux quatre coins du monde : leur expériences nous font découvrir la richesse insoupçonnée de notre alcool favori. Ensuite, les employés des distilleries établies depuis des siècles qui haussent continuellement la barre de la qualité: les whiskys médiocres se font de plus en plus rares à notre plus grand plaisir. Les « moins » : L’industrie, autant les producteur que « le » distributeur québécois. L’industrie, pour nous vendre à un prix éhonté des bouteilles qui, bien qu’elles soient de très bonne qualité, coûtent à produire une fraction du prix qu’elles sont vendues. Du capitalisme comme on aime l’haïr. Ensuite, la SAQ, ce monopole d’État des années 1920… Qui existe encore aujourd’hui simplement à cause du manque de courage du gouvernement qui n’ose pas affronter les puissants lobbys représentant tout ceux qui s’enrichissent au dépends du peuple québécois, qui paie trop cher pour un choix trop limité. Du socialisme comme on aime l’haïr. Aussi, je ne saurais passer sous silence la nouvelle tendance des « no age statement ». Je suis d’accord avec le principe qu’il n’est pas nécessaire d’attendre 10 ans ou plus pour déguster un whisky de qualité. Toutefois, cette nouvelle façon de faire fera en sorte que nous nous retrouverons à payer des prix abusifs pour boire de bons whiskys, alors que ceux-ci étaient jusqu’alors vendu à un prix raisonnable compte tenu de leur jeune âge.
Déception de l’année
André:
Pittyvaich 20 ans
Se faire escroquer de la sorte, y’a des gens qui vont en prison pour moins que ça. Aussi à souligner, l’infâme Bastille 1789 mais à un prix raisonnable.
RV:
Pittyvaich 20 ans
Une triple déception: après des années à lire les désastreuses évaluations de Jackson et Murray à propos du liquide s’écoulant de cette distillerie, enfin j’ai pu gouter à un . Certes, il n’est pas bon; difficile de trouver du positif et au-delà du goût, le prix exorbitant en fait qu’un whisky à gouter de manière fortuite. Mais ce qui est une plus grande déception, c’est qu’il n’est pas si mauvais (très mauvais, mais pas extrêmement). Quand un whisky ne réussit même pas à décevoir totalement, on le réserver pour les blends… ou la fermeture de sa distillerie.
Patrick:
Pittyvaich 20 ans
Peut être pas le pire au goût, mais définitivement le pire rapport qualité/prix que j’aie jamais vu. Comment peut-on oser vendre un produit si infecte à un prix si élevé? La distillerie a beau être fermée, elle l’a justement été car elle n’arrivait pas à produire un produit de qualité. De vendre le contenu des quelques futs restants à un tel prix démontre que Diageo prends ses clients pour des cons. Et ces derniers semblent lui donner raison puisque les bouteilles finissent tout de même par s’écouler…
Meilleur achat / prix SAQ
André:
Glen Garioch 1995
Si vous ne l’avez pas encore en main, c’est le must have de 2013. Noté plus de 90% par les 3 évaluateurs du site. Une qualité d’exécution rêvée pas plusieurs pour un prix dérisoire.
RV:
Shell Super sans plomb
Le meilleur whisky qu’on peut se procurer au Québec? On passe chez Shell pour faire le plein et on se sauve au New Hampshire ou dans l’état de New York pour acheter des bouteilles à la moitié du prix. Ou alors des bouteilles non disponible au Québec parce que le producteur est trop petit pour s’attaquer aux règles et à la voracité des dirigeants SAQ. Et ne surtout pas oublier de faire le plein avant de revenir: avec l’argent sauvé sur les taxes sur l’essence, vous pourrez vous payer un petit bourbon sympa, le tout bien sûr acheté directement et simplement au dépanneur du poste à essence.
Patrick:
Les rhums de la série « Plantation »
Une belle diversité de saveur, des nouveautés fréquentes, une qualité constante, et un prix raisonnable. Au niveau whisky, je n’ai toutefois rien de trouvé qui réunissait ces quatre conditions.
Meilleur whisky d’ailleurs (whiskies du monde)
André:
Michel Couvreur Candid
Découverte méconnue de bien des amateurs, parfois à cause du prix de certains embouteillages, on aura découvert cette années de beaux embouteillages de Michel Couvreur, qui aura su pousser l’utilisation des fûts de sherry à son paroxysme. Dommage que cette année, nous ayons aussi perdu ce personnage hors-norme du milieu du whisky. Je lève encore un verre à votre santé M Couvreur. C’est certes un bel héritage que vous nous avez laissé…
RV:
Michel Couvreur Candid
Après le Blossoming Auld Sherried de l’an dernier, le regretté Michel Couvreur nous as sorti une édition jeune et surprenante; toujours son vieillissement en sherry, mais cette fois-ci avec un distillat qui semble directement venir d’Islay, de Bowmore probablement. Un prix peut justifiable de 140$ pour un whisky qui semble ne même pas faire les dix ans, mais un goût qui m’a fait mes gros sous de Séraphin. Peut-être vaudrait-il en acheter quelques bouteilles? Les tableaux de Dali se vendait pas très chers immédiatement après sa mort.
Patrick:
Michel Couvreur Candid
J’espère que la concurrence sur ce front inquiète un peu nos amis écossais. Mon choix pour cette catégorie fut agréablement difficile compte tenu de la qualité et du choix qui vont sans cesse en croissant. Enfin, toujours est-il que mon choix de l’année est né en Écosse, mais a été élevé de main de maître en France par l’équipe du regretté Michel Couvreur.
Meilleur whisky canadien
André:
Highwood 25yo Calgary Stampede (6,000 bottles limited edition)
Mon choix initial était le Whistle Pig 10yo mais dû à l’ambigüité crée par la provenance du dit nectar distribué aux USA… Superbe création ce Highwood 25ans, avec ses notes de pâtisseries et de pain, sa texture soyeuse et crémeuse et son prix dérisoire de 52$…pour un 25 ans d’âge. Ma plus haute note au CWA 2012/2013 à l’aveugle.
RV:
Stillwater Stalk and Barrel #3
Difficile de ne pas flancher pour une distillerie qu’on a pratiquement vu naître, mais lorsqu’à gauche et à droite je vois les autres critiques encenser leur création, je sens que mon attachement pour leur liquide est justifié. De plus, à l’instar des whiskies de Forty Creek, leurs nouveaux whiskies sont définitivement hors du stéréotype « good ole canadian rye ». Une bouteille (à mon avis un peu rétrograde côté design) à découvrir, en version cask strength ou même l’édition normale.
Patrick:
Forty Creek Heart of Gold Reserve – 2013 Special Release
Vous ne savez pas de quoi je parle? C’est normal, il est disponible dans 9 provinces canadiennes… Bref, « coast-to-coast », sauf au Québec. Enfin, toujours est-il que ce rye whisky est une autre réussite de notre ami John K Hall. J’aimerais bien le voir continuer à expérimenter avec d’autres types de whisky… A quand le single malt ou le « bourbon canadien »?
Meilleur whiskey américain
André:
George T Stagg 2013 Edition
Après avoir attendu 12 ans avant de mettre une bouteille, je me suis dit que ça a avait valu la peine d’attendre afin d’avoir un bagage qui m’aura permis d’en apprécier la qualité. Une bombe américaine livrée à un taux d’alcool décoiffant de plus de 70%.
RV:
Balcones Brimstone
Après quelques années d’expérimentation certes hors normes, Balcones me couple le souffle avec son Brimstone. Tel que le Black Dog de MB Roland, Chip Tate s’attaque à la fumée d’une manière toute originale, et ce que l’on retrouve dans le Brimstone n’est pas une imitation d’Islay mais une symphonie de la fumée dans un tout autre registre, plus métal que végétal. Originalité, surprise, force.
Patrick:
Balcones Baby Blue
Original, suave, éclatant et « fun ». Non seulement le meilleur américain, mais un finaliste au meilleur whisky de l’année.
Meilleur Whisky de 2013
André:
Bowmore 1985-2012 26 ans – Édition limitée
Pas de doute, Islay… La tourbe envoûtante vous caresse le nez dès le départ et les fruits du fût de sherry – enrobé de chocolat noir – tendrons rapidement la main aux notes maritimes afin d’entamer ce long slow cochon. Les embruns salés applaudiront la réunion de ces éléments réunis avec un équilibre incroyable. La texture en bouche est crémeuse et soyeuse, l’alcool espionne dans un coin discrètement, d’autres couples se joindront à la danse; oranges et chocolat, fruits rouges et sherry, sel et tourbe, mélange de miel et de toffee chauffé également. La finale est en tout en développement, l’alcool prendra un peu de vigueur, le sel gagnera en importance avant le retour des fruits rouges et des cerises marasquin. L’équilibre parfait de tout les éléments… Simplement inoubliable.
RV:
Finger Lakes Peated Experiment
La fumée était à l’honneur cette année il faut croire: encore plus que le Brimstone, le whisky que j’ai le plus aimé cette année fut sans contredit l’expérience que fait actuellement la distillerie artisanale Finger Lakes avec la tourbe. Un tour de force en plus car le grain ou la tourbe est toute américaine et non pas importé d’Europe. Mais ce qui fait encore plus sa force et la force du bois qui s’exprime si bien au travers de toute cette tourbe. La bouteille dont j’attend le plus l’arrivée en tablette dans les années futures.
Patrick:
Bowmore 1985-2012 26 ans Édition limitée
Ma distillerie culte a encore méritée sa place dans mon cœur en nous offrant ce sublime nectar. Dans la catégorie « whisky to live for ». Aussi, mention spéciale à Macallan pour leur 1955 : compte tenu de la rareté du produit, je trouvais un peu injuste de le nominer.