Revue Québec Whisky 2012

Introduction

André:
Année de « Faux pas » et d’essais douteux? Bousculés par l’apparition grandissante de nombreuses microdistilleries de part le monde, le marché Écossais tente de se renouveller. Celles-ci n’étant pas soumises aux mêmes lois et n’ayant pas à suivre une idéologie historique (parfois intouchables) des vieilles distilleries, ont le champ libre à l’essai. Après de multiples efforts parfois réussis, parfois douteux de Bruichladdich, la distillerie aurait trouvé sa niche. Personnellement, je trouve que celle-ci n’est pas encore bien définie et qu’arrivera-t-il avec l’après McEwan ? Et Laphroaig qui tente de réinventer son classique en essayant l’affinage en fût de PX (fail) et le douteux Ardbeg Galiléo Marsala Cask ou on espère poursuivre les bons résultats d’affinage de Glenmorangie en les appliquant à Ardbeg (fail #2). L’industrie Écossaise doit se réinventer, cela devient une priorité.

RV:
Après des centaines de whiskies et 10 ans d’expérience, 2012 a été un retour aux sources. Beaucoup de ceux qui m’ont le plus marqué ont été les éditions standards ou les nouvelles versions (batches) de vieux classiques. Certes le marché est toujours en mutation, il y a encore quelques éditions où le marketing dépasse le goût (entre autres la série des très ordinaires HP Saint-Magnus, Thor et autres déités douteuses) ou bien où un revendeur a dû acheter un baril 1$ parce que teinté de sulphure (Old Malt Cask et son infect Mortlach 21YO). Toutefois j’ai encore eu droit à plusieurs surprises, autant du côté des nouveaux (King’s County Bourbon) que des anciennes (Glenglassaugh Revival), même des revendeurs avec le scintillant Linkwood Côte Rôtie, peut-être le meilleur whisky embouteillé par une tierce compagnie de ma vie.

Patrick:
Somme toutes, 2012 fut une belle année pour les consommateurs de whiskys du monde et du Québec. Au niveau choix, le nombre de micro-distilleries explose, ainsi que le nombre d’embouteillages généralement intéressants provenant de nos distilleries favorites (contrairement à André, j’adore l’Ardbeg Galileo!). Même notre monopole d’état favori, la SAQ, nous a offert cette année plus de nouveautés que jamais (bon, nous sommes encore loin de pouvoir dire que le choix y est intéressant, mais il y a tout de même une légère amélioration). Nous pourrions nous plaindre que les prix suivent une courbe ascensionnelle motivée par l’appât du gain des actionnaires et des gouvernements… Mais les lois du marché indiquent que nous sommes malheureusement toujours prêts à sortir quelques dollars de plus pour nos bouteilles favorites. Bref, ma conclusion est que tant qu’il s’ouvrira régulièrement de nouvelles distilleries, nous pourrons considérer que tout va pour le mieux (mis à part notre budget personnel).


Déception de l’année

André:
Le contenant plus que le contenu
Cette dernière année aura vu de belles mises en marché livrant des produits parfois fort ordinaires, surtout pour le prix demandé. Le Highland Park Thor, en particulier qui m’a déçu au plus grand point et mes attentes étaient grandes il faut le dire, Highland Park étant ma distillerie fétiche. Un peu la même chose pour le nouveau Bruichladdich 10 The Laddie Ten, vanté par plusieurs sur le net mais qui m’aura laissé sur ma faim. Aimer le whisky c’est aussi un plaisir pour les yeux et pour la présentation mais au final, c’est ce qu’il y a dans mon verre versus ce qu’il reste dans mon porte feuille qui sera le dernier juge et cette année aura été de celles où j’en aurai eu souvent peu pour le prix déboursé.

RV:
Glenfiddich, en générale et en particulier
Après le 102 proof, je m’attendais à du renouveau de la part de Glenfiddich, quelque chose qui fasse que lorsque je vois une de leurs bouteilles, je puisse voir autre chose qu’un single malt pour bars qui ne s’y connaissent pas en whisky. Toutefois, le Age of Discovery me prouve à quel point cette distillerie fait dans l’anodin, le malt ennuyeusement poussée à sa plus anonyme forme. D’accord, l’emballage est très rétro chic, mais un meilleur marketing et une facture facilement 100$ trop cher n’excusera jamais un whisky pas vraiment meilleur que leur réserve spéciale (tout de même à 47$ en SAQ, prix qui malgré toutes les taxes commencent à être trop cher pour un single malt moins bon que certains blends ordinaires).

Patrick:
Me faire prendre pour un con
Les distilleries qui persistent à sortir des nouveautés au taux d’alcool minimum prévu par la loi, soit 40%. Les consommateurs étant de mieux en mieux éduqués sur les critères qui font d’un whisky un produit de qualité, j’ai l’impression de me faire prendre pour un con lorsque je vois Glenfiddich sortir un produit tel que le « Age of Discovery » à 40% d’alcool. On a mis l’accent sur le packaging (ce que j’aime bien), on a produit un whisky qui semble excellent, mais on a laissé le comptable gérer la fermeture du robinet d’eau. Résultat : un whisky qui goûte l’eau. Je ne peux passer sous silence un autre exemple de distillerie qui nous prend pour des cons : Dalmore! La qualité de leur whiskys a pris une débarque monumentale, mais je dois admettre que leurs bouteilles sont parmi les plus belles! Bref, de beaux produits pour de riches cons.


Pire Whisky

André:
Thor Boyo
Cette même tourbe pas agréable du whiksy Armorik, terreuse et de pourriture organique, quelques fleurs éparses, pêches, abricot, et du sucre assez rond. Nul à chier en bouche, on cherche la texture…et les arômes. Ressemble plus à une eau-de-vin qu’à un whisky.Un peu de piquant en bouche. Finale inexistante ou presque, léger végétal et vanille…et toujours ce fond de tourbe pourrie très organique.

RV:
Thor Boyo
Des produits locaux et fermiers? Vive la campagne. Pas sérieux, non prétentieux (assez pour écrire sur l’étiquette « celui qui va en boire va chier »)? Excellent… sauf que ça prend tout de même de la qualité, chose que l’on ne retrouve pas du tout dans ce « whisky » qui pousse l’audace avec un prix avoisinant les cent dollars. Assez onéreuse comme blague, aussi cher qu’un ennuyant Macallan mais qui au moins n’est pas repoussant, il s’agit ici d’un maudit français qui aurait dû rester dans son pays. Pour plus de détails et de méchancetés, consulter la critique du Thor Boyo.

Patrick:
Thor Boyo
Le problème lorsque la demande pour un produit tel que le whisky explose, est que pour répondre à cette demande croissante, plusieurs entrepreneurs s’improvisent producteurs de whisky et nous préparent un peu n’importe quoi et n’ont aucune honte à vendre le tout à un prix mirobolant. Seul point positif : avec un tel nom, on ne devrait pas se plaindre, nous avions été prévenus!


Autres spiritueux de l’année

RV:
Gelas Single Cask Double Matured
Oui, un très peu subtil essai de copier le marché des single malts: l’appelation, la bouteille… et malheureusement le prix aussi. Toutefois, le concept est appuyé d’un armagnac de très haute qualité, supérieur à beaucoup de cognacs à plus du double du prix. Pour l’amateur de whisky doux, de whisky tout court ou simplement de n’importe quel spiritueux bien conçu, cet armagnac prouve que la qualité et le terroir ne sont pas une exclusivité d’Islay.

Patrick:
Téquila 1800 Anejo, suivi de près par le Botanist, le gin de Bruichladdich
Difficile d’arrêter sa décision sur uniquement une bouteille compte tenu de l’étendue du choix…Mon spiritueux préféré a toutefois été la Tequila 1800 Anejo, mais il faut dire que mon coup de cœur va définitivement au Botanist, le gin de la distillerie Bruichladdich. Je suis heureux de voir les écossais mettre leur savoir-faire à l’œuvre sur d’autres spiritueux.


Meilleur whisky vatted/bended/grain

André:
Compass Box The Last Vatted Malt
Wow… Nez punché et relevé. De la belle tourbe d’Islay bien sucrée, du citron, des fruits. Un nez évolutif et tout en contrastes. En bouche, il est complet et généreux; beaucoup de fruits et un mix de sherry, de miel, de chocolat, de fumée, de sel et de saveurs que l’on retrouve dans les bourbons. Finale huileuse; une ode aux whiskies d’Islay; sel, tourbe et fumée. Merveilleusement délicieux.

RV:
Clan Denny North British
Une année un peu maigre au niveau des blends et des single grains, même s’il reste encore d’excellentes découvertes à faire dans le rayon des single grains, sans compter le plaisir quand on en croise un au travers de moins intéressantes bouteilles de blends plus ou moins bon marché. Par exemple, ce North British, à un prix toujours intéressant pour un whisky de 30 ans, démontre toute la profondeur dont ce type de whisky (pas assez exploité à mon goût) est capable. Si seulement Diageo pouvait commercialiser ceux qui trainent dans leurs entrepôts de Valleyfield…

Patrick:
MacKinlay’s blended malt
Une belle histoire, un beau packaging et surtout un excellent whisky. Ce whisky est supposé être une réplique d’un whisky abandonné par une expédition en Antarctique au début du XXème siècle. Est-ce que la reproduction est exacte? On s’en fout! Le whisky est excellent, offre une complexité et un raffinement exceptionnel, alors que demander de plus? Définitivement mon coup de cœur de l’année!


Meilleur whisky d’ailleurs (whiskies du monde)

André:
Mackmyra Reserve Single cask # TA-808:45
Nez de fruits couleur rubis. Wow, c’est riche comme nez, très élégant, sexy. Fruits rouges sirupeux, cerises, Cherry Blossom, nez campagnard de fruits des champs et de confiture. Texture langoureuse, soyeuse, très impressionnante. Explosion de fruits dans leur sirop, pastille aux cerises. Peut ressembler à un whisky d’affinage en fût de cognac sans le côté asséchant. Que c’est bon…….après trois verres je suis toujours estomaqué par la complexité et l’effet enrobant de ce whisky. Un whisky entier jusque dans sa finale interminable en maelstrom de fruits capiteux. Un Smörgåsbord de fruits. Comme disait Jonathan Luks, représentant de Mackmyra « Age doesn’t matter, it’s all about taste ». This is it ! Bravo!

RV:
Michel Couvreur Blossoming Auld Sherried
De bons produits du Japon (dont le tourbé Hakushu Heavily Peated), les Irlandais une fois de plus ne semble pas vouloir offrir de bons produits, mais après mon pire whisky de l’année jamais je n’aurais cru que mon meilleur whisky du monde aurait été fabriqué en Écosse mais élevé en France. Et quelle éducation! Dans la trempe des meilleurs Aberlour Abunad’h, le sherry est maitrisé et pousse le malt en terrain merveilleusement inconnu. L’éducation a malheureusement un prix (287$ dans ce cas) mais pour un single malt de plus de 20 ans, l’attente valait la peine aussi. Voyez la critique du Blossoming Auld Sherried pour vous mettre l’eau à la bouche.

Patrick:
Mackmyra Reserve Single cask # TA-808:45
Original et exceptionnel! Mackmyra fait partie des rares distilleries dont je recherche un maximum d’embouteillages.


Meilleur whisky canadien

André:
Canadian Rockies 21 ans (Taiwan exclusive)
Thanx to the Canadian Whisky Awards et Davin de Kergommaux. Ce rare embouteillage m’a simplement renversé. Un exercice sur les céréales et la douceur du miel. À égalité avec le Forty Creek Bourbon tiré le da session « Whisky deconstructed » avec John K Hall. L’industrie du whisky Canadien est en bonne santé et merci à John K Hall pour sa grande contribution. Reste juste la SAQ qui tire de la patte afin d’entrer les reste de ces produits au Québec. Nul n’est prophète dans son pays…

RV
Forty Creek Rye Cask
Ce ne sont pas toujours les meilleurs boissons qui se rendent sur les tablettes et vivement les activités du Club de Whisky de Québec (vive l’autopromotion présomptueuse!) pour découvrir un élixir de la trempe du Forty Creek Rye Cask, tel que fabriqué par John K. Hall avant d’être blendé. Une autre de mes découvertes 2012, le rye est sûrement le grain le plus tempéramental; dans cette déclinaison il est doux, pas trop aigre ou épicé, bien dosé et bien marqué à la fois. Aussi divin à 40%, je me demande ce qu’il aurait pu arriver de mon choix de whisky de l’année si ce rye cask avait été de surcroît embouteillé cask strength.

Patrick:
Forty Creek Copper Pot Still
Les whiskys canadiens commencent à être de plus en plus intéressants et ce, en grand partie grâce à des distilleries telles que Forty Creek. Et lorsque celle-ci nous donne une superbe nouveauté à moins de 30$ (évidemment, non disponible sur les tablettes de notre monopole d’état, la SAQ), c’est en quelque sorte un coup de pied au c… à l’ensemble de l’industrie du whisky! Oui, il est possible de créer un produit « régulier », excellent et pas cher. Bravo et merci!


Meilleur whiskey américain

André:
Buffalo Trace Single Oak Project Batch 61
Il fallait le faire et BT l’ont font… une expérimentation débouchant sur 191 bouteilles différentes. Différents types de warehouse, de coupe de bois, de recette… un exercice qu’il fait bon apprécier lorsque vous pouvez trouver les dites bouteilles, pas données d’ailleurs (50$ le 375ml). Cette batch, un wheat whisky est superbe, si doux, si bien balancé. Pas trop loin par contre des bourbons traditionnels avec son voyage de fruits rouges et l’abondance de sucre. Un whisky tellement réconfortant que j’ai savouré le 375ml en une seule soirée – tout seul – devant un bon feu de foyer.

RV:
Parker’s Heritage Cognac Finish
Certainement, j’ai encore pu goûter à de très bonnes sorties de microdistilleries mais c’est une bouteille très risquée pour une mégadistillerie assez traditionnelle (Heaven Hill) que j’ai retenue comme mon meilleur whiskey américain. À une ou deux éditions spéciales par année avec une vraie rareté, un marketing qui me plait presqu’autant que le liquide dans la bouteille. Issu d’une finition en fût de spiritueux français, le Parker’s Heritage Cognac Finish a su garder le contrôle tout en laissant une très belle place au raisin du cognac et à sa part de blé qui constitue sa recette.

Patrick:
Willett Pot Still Reserve
Un peu un gagnant par défaut… Il s’agit d’un bon bourbon, mais il va sans dire que les grandes distilleries américaines ne m’ont pas impressionnées depuis longtemps. Leurs produits sont monotones, et leur seul attrait réside souvent dans leur prix. J’aurais espéré que la prolifération de micro-distilleries au pays de l’Oncle Sam les auraient un peu motivées à faire quelque chose de différent, mais non. Bof.


Meilleur scotch whisky

André:
Laphroaig Cairdeas 30 ans
Après 12 ans de dégustation et près de 1500 whiskies goûtés, on devient peut-être un peu plus difficile à impressionner. Ce Laphraoig 30 ans m’a fait hésiter aussi avec le Lagavulin 21 ans mais à environ le même prix (plus de 1000$ et 5 ans de plus au Lagavulin pour 1000$ de plus que l’édition 16 ans régulière…you kidding ?!) ce Cairdeas Limited Edition m’a mis dans tout mes états. Le paroxisme pour un amateur de whisky, ce nectar est de la trempe du Saint-Graal, difficile à trouver mais quel plaisir à savourer. Merci à Marie-Lou et PL de m’avoir rapporté le sample directement de la distillerie.

RV:
Aberlour A’bunadh batch 40
Le bon vieux A’bunadh, rien goûter de mieux dans l’année? Oui, et non. Premièrement, il s’agit du BON vieux A’bunadh, une fois de plus dans une version différente de celles des dernières années. Un peu à l’image du Glenrothes 1995 de l’an dernier, c’est un calcul difficile pour une distillerie de sortir un whisky qui doit s’inscrire dans une ligne directrice mais qui doit aussi sortir du lot pour plaire aux grands amateurs. Cette fois-ci avec des accents de pomme et de fruits, toujours avec un taux d’alcool challengeant, le Aberlour A’bunadh batch 40 se révèle comme une toute simple bouteille chaleureuse et délicieuse.

Patrick:
Lagavulin 21 ans
Il ne s’agit pas réellement d’une nouveauté 2012, mais compte tenu de la difficulté que j’ai eu à mettre la main dessus (merci Mireille), je me permets de la présenter ici. Mon whisky préféré âgé 5 ans de plus? Ca ne pouvait qu’être excellent! Les nouveautés de cette distillerie sont trop rares, mais bon, avec cette nouvelle édition, elle a le « prestige » d’offrir 2 des 3 whiskys de mon top 3 personnel toutes catégories!


Meilleur Whisky de 2012

André:
Balvenie TUN 1401 Batch #3 US Release
Difficile d’être déçu avec Balvenie, pas toujours surpris par contre, mais très rarement déçu. Balvenie suit sa ligne directrice, bien tracée avec des variantes d’embouteillages en embouteillages. Celle-ci éclipse haut la main sa sœur (par alliance) Glenfiddich et continue d’être la distillerie sous-estimée. La session dédié exclusivement à Balvenie donnée au club au printemps a renoué mon amour avec cette distillerie et ses superbes réalisations; le 30 ans, divin, le 15 ans et ses single cask, le 21 en fût de sherry, l’abordable Double Wood, les rhum finish et ce renversant TUN 1401 qui en aura étonné plus d’un…

RV:
Buffalo Trace Single Oak Project Batch 61
Un concept effronté: sortir plus d’une centaine de recettes différentes (différentes proportions de grains, différents planches de baril, différents séchage de baril, etc) et voir ce qui arrive. Dans ce 61e projet, c’est une recette de blé qui a retenu mon attention, spécialement lorsque plus tard j’ai pu goûter à exactement la même recette mis à part la teneur de blé qui avait céder le pas au seigle. Bien que malheureusement je n’ai goûté que deux recettes sur les dizaines et dizaines disponibles (peut-être pas si malheureux pour mon foie finalement), l’édition 61 n’est pas seulement la meilleure recette, non seulement le meilleur whiskey américain mais le meilleur whisky tout court que j’ai goûté en 2012. Au-delà de l’expérience très intéressante, le goût de ce Buffalo Trace Single Oak Project #61 fait foi de tout. Et vive le bourbon.

Patrick:
Ça dépend!
Selon les « points », définitivement le Lagavulin 21! Au cœur, le MacKinlay’s règne en maître. Au rapport qualité-prix, j’aurais apprécié que le Forty Creek Pot Still ait un peu plus de compétition. Enfin, pour paraphraser RV, le meilleur whisky est celui auquel je n’ai pas encore goûté! Bonne année 2013!strong