Entrevue avec Alistair Walker, Ambassadeur Mondial des distilleries BenRiach et GlenDronach

Entrevue avec Alistair Walker, Ambassadeur Mondial des distilleries BenRiach et GlenDronach, par Fred Laroche, membre du Club de Whisky de Québec.

Traduction de l’entrevue qui s’est déroulée en anglais.


Fred Laroche – Club de Scotch Whisky de Québec: Bonsoir Alistair, comment vas-tu?

Alistair Walker – Benriach / Glendronach: Ça va merci!

FL: C’est ta première fois à Québec n’est-ce pas? Comment t’y sens-tu jusqu’à présent?

AW: En effet, je suis passé à Montréal il y a deux ans et c’était ma toute première fois au Québec mais aujourd’hui est ma première visite dans la Capitale. J’aime beaucoup la ville. On m’a dit que ça aurait l’air très Européen et je trouve que ça ressemble beaucoup à Édimbourg ici, c’est une très belle ville, très attirante.

FL: Très bien. Pour commencer, j’aimerais que tu me parles des whiskies que nous allons déguster ce soir.

AW: D’accord. Tout d’abord, les whiskies que nous allons avoir ce soir ont été sélectionnés sur la base de la disponibilité locale en SAQ. Pour une petite distillerie comme nous, c’est déjà assez remarquable d’avoir une assez grande sélection pour baser une dégustation sur la disponibilité de nos produits localement. Cela dit, nous allons commencer par deux produits de Benriach. Le premier sera le Benriach 20 ans, qui est un whisky assez âgé. Bien que cela puisse paraître étrange de commencer avec un vieux whisky, nous basons nos dégustations sur le style du whisky et je crois que le 20 ans est ce qui se rapproche le plus du style traditionnel des whiskies du Speyside. C’est un gros whisky mais il n’a aucune agressivité. Le second de la soirée sera l’un de la série de finitions en spéciales que nous faisons. Je parle du Benriach 15 ans Tawny Port. Ce whisky termine sa maturation en fûts de porto et il est un bel exemple des expérimentations que nous faisons dans l’entrepôt numéro 30. Les 2 whiskies suivants proviennent de notre récente acquisition, la distillerie Glendronach, que nous avons acheté en 2008. Nous allons déguster le 12 ans, qui est le porteur de drapeau pour Glendronach. Ça fait très longtemps que ce whisky est disponible au Canada et ça a été un des premiers à être vendu sous l’appellation Single Malt dans les années 1860. Nous allons ensuite avoir le 15 ans, qui est une nouvelle expression que nous avons commencé à embouteiller lorsque nous avons acheté la distillerie. La différence entre les deux est que le 12 ans subit une maturation en fûts de bourbons et une finition en fûts de Xéres alors que le 15 ans passe toute sa maturation en fûts de xéres de premier remplissage. Cela lui donne une complexité très appréciable. Les deux derniers whiskies que nous allons déguster sont des Benriach. Ceux-ci sont assez particuliers puisqu’ils sont parmi les rares whiskies du Speyside à être lourdement tourbés. Le premier des deux est un whisky de 10 ans, vieilli en fût de Bourbon, il se nomme Curiositas. Le second fait également parti de nos expressions ayant subit une finition spéciale, il s’agit du Aromaticus Fumosus, qui termine sa maturation en fûts de rhum noir.

FL: Comme tu l’as dit, c’est assez inhabituel de voir un whisky du Speyside être aussi tourbé. Personnellement, ça m’a fait redécouvrir Benriach puisque ma première expérience de ce whisky me le rappelaient comme étant très sucré et très « normal » pour un Speyside. Je suis donc très surpris de voir que vous avez poussé l’expérimentation dans ce sens. Je me demande donc s’il y a eu des occasions où vous n’avez pas obtenu les résultats escomptés ou alors où vous avez été agréablement surpris.

AW: Eh bien, je dis toujours en blague que toutes nos ratées sont vendues aux embouteilleurs indépendants… mais bien sûre, je blague (rires). A vrai dire, une grosse partie de l’expérimentation était déjà faite lorsque nous avons acheté la distillerie. Nous n’en sommes propriétaires que depuis 2004 et une grande partie de l’inventaire à notre acquisition avait déjà été distillée en utilisant du malt tourbé. Tu vois, avant nous, Benriach appartenait à Chivas, et à chaque fois que Chivas avait envie de faire une expérience avec sa recette, il semble qu’il faisait toujours cette expérience à la distillerie de Benriach. Le whisky tourbé chez Benriach est né du besoin d’avoir un produit tourbé pour certains mélanges. Au lieu de l’acheter dans une autre distillerie, ils ont décidé de le faire chez Benriach puisque la distillerie avait se propre surfaces de maltage. Une autre chose que Chivas a fait à la fin des années 90 avec quoi nous allons très prochainement lancer un nouveau produit, c’est qu’ils ont installé un alambic supplémentaire dans la distillerie à un certain point pour faire un spiritueux à triple distillation. Ils n’en n’ont fait qu’une seule fois mais en très grande quantité. Nous ne savons pas pourquoi ils ont fait ça puisqu’ils ne s’en sont jamais servi mais il date de 1998 et nous allons le lancé sous le nom de Benriach Horizons, à 50% d’alcool, 12 ans d’âge. Ce sera le premier whisky à triple distillation chez Benriach. En ce qui concerne les expérimentations, je suis conscient qu’il est important de faire très attention avec ça parce qu’un whisky prend de la valeur à son âge seul, si on lui apporte une finition en barrique et que ça en réduit la qualité, eh bien c’est difficile de corriger le tir après ça!

FL: Tu dois balancer ton travail entre Benriach et Glendronach. Comment parviens-tu à répondre aux besoins des marchés respectifs des deux distilleries?

AW: C’est assez difficile en fait. Je vais t’avouer que mon cœur penche un peu vers Benriach parce que c’est avec cette distillerie que nous avons commencé. Nous travaillions déjà avec Benriach depuis 4 ans avant que l’offre pour Glendronach ne soit déposée. Nous essayons vraiment de partager nos effectifs à parts égales entre les deux compagnies. Ce qui rend les choses difficile est que Glendronach est un whisky qui est beaucoup plus facile à vendre puisqu’il avait déjà une très bonne réputation dans la plupart des marchés d’exportation. Lorsque nous avons acheté Benriach, c’était très difficile à vendre parce qu’il n’y avait qu’un seul embouteillage qui avait été fait et c’était un vieil embouteillage de 10 ans. En revanche, ce qui est bien avec Benriach, est que nous avions à notre disposition toute cette variété de whisky alors que personne n’avait la moindre attente alors nous avions tout pour prendre les gens par surprise. Avec Glendronach, il y avait cette attente que ça doit subir une maturation en fûts de Xérès.

FL: Parlons de géographie. Je trouve que le Glendronach 12 ans est très particulier avec sa finale très sèche et saline pour un whisky du Speyside. Ce n’est définitivement pas le cas avec Benriach. Est-ce que tu crois que la localisation a quelque chose à voir là-dedans?

AW: Je ne crois pas que la localisation soit vraiment importante aujourd’hui puisque tu peux maintenant faire du whisky hautement tourbé en plein speyside. Il y a même des barrières traditionnelles qui sont tombées, des tabous, en quelques sortes! Une chose que je voudrais cependant dire, et je vais revenir à Glendronach ensuite, c’est que, lorsque nous faisons du whisky tourbé avec Benriach, nous prenons soin de se procurer de la tourbe qui vient du nord-est de l’Écosse, là où la distillerie est localisée. Je crois que c’est important de conserver cet aspect unique qui vient effectivement de la géographie. En ce qui concerne Glendronach maintenant, nous utilisons la même orge pour les deux distilleries. Les sources d’eau des deux distilleries sont très similaires. Les deux proviennent de sources sous-terraines avec une très haute teneur en minéraux. À partir de là, la différence est dans le vieillissement, principalement. Pour Glendronach, nous choisissons des fûts de chêne européen de très haute qualité puisque nous avons une réputation à respecter.

FL: Vu ton expérience relativement courte dans le monde du whisky, quels sont les territoires les plus surprenants pour toi de faire affaire avec eux?

AW: Oh, il y en a plusieurs. J’ai été très surpris d’apprendre que nous vendions beaucoup de whisky au kasakstan. Je n’aurais jamais cru que c’était un endroit propice pour le marché du Whisky. Pourtant, c’est un endroit avec beaucoup de mineurs, qui ont les moyens de se payer du whisky. Puisque le whisky est un produit qui stimule les aspirations, c’est souvent un produit auquel ces gens pensent quand ils se tournent vers l’occident. Il y a la Russie aussi. J’ai fait une dégustation là-bas, à Sochi, où se tiendront les jeux olympiques de 2014. Nous avons même fait la dégustation directement sur la plage là-bas, en plein été.

FL: Est-ce que ces visites te donnent du fil à retordre côté langage?

AW: En règle générale, pas mal tous les endroits que nous visitons sont à l’aise avec l’anglais. Il y a quelques exceptions où nous avons recours à un traducteur et ça devient extrêmement difficile de faire une dégustation quand le rythme se fait constamment briser par la traduction. Je ne vais pas souvent au Japon mais, à ma connaissance, on a souvent besoin d’un traducteur là-bas aussi. À part de ça, je te dirais que j’ai l’impression que tout ceux qui ont développé un goût pour le whisky savent également comprendre le vocabulaire qui s’y rattache en anglais.

FL: Tu fais des dégustations en privée comme celle avec nous ce soir mais il y a aussi des gens qui se rendent sur place pour déguster à la distillerie. Comment cela se passe-t-il dans le cas de Benriach et Glendronach?

AW: En fait, seule Glendronach est vraiment ouverte au public. Je ne suis pas directement impliqué dans les visites et les dégustations à la distillerie. Cependant, je sais que ce n’est pas exactement une tâche facile d’attirer les gens chez Glendronach parce que la distillerie n’est pas sur les chemins le plus populaires de l’Écosse et qu’il s’agit d’un détour, peu importe d’où tu arrives ou vers où tu te diriges. Il y a tout de même des gens qui viennent, parfois ne ce serait-ce que pour tuer le temps pendant une heure, ou alors dépenser plusieurs milliers d’Euros dans la boutique de la distillerie! Il y en a vraiment de toutes les sortes. En ce qui concerne Benriach, ça fonctionne un peu différemment parce que la distillerie n’est pas ouverte au public. Il y a une demande pour ça et nous organisons quelques visites privées mais c’est réellement du cas par cas. C’est une activité très prisée des clubs de Whisky à travers le monde et c’est le genre de foule que nous aimons attirer.

FL: J’aimerais terminer en apprenant un peu quel genre de whisky tu aimes boire. Est-ce que tu en as un en particulier que tu préfères?

AW: Je ne sais pas s’il y en a un seul que je préfère. Il y en a plusieurs que je trouve excellents et dont je ne refuse jamais un verre. Par exemple, je crois que Balvenie fait un excellent whisky et représente vraiment bien le meilleur de ce que le Speyside a à offrir. Pour mois, les whiskies tourbés sont des whiskies d’hiver. Je les aime du début de novembre jusqu’à la fin de février. J’adore le Lagavulin 16 ans et à peu près tout ce que Coal Ila a produit. En ce qui attrait nos propres whiskies, le Benriach 16 ans est celui que je rapporte le plus souvent à la maison. Ce n’est pas le plus dispendieux de notre ligne mais c’est celui que je préfère.

FL: D’accord, merci pour ton temps et bonne soirée parmi nous!

AW: Merci à vous et merci de supporter nos produits!