Revue Québec Whisky 2013

Introduction

André:
Année bizarre que 2013, les deux solitudes du whisky étant séparées plus que jamais. D’un côté, les major avec leurs prix faramineux, des éditions de Dalmore à 10000$ pièce, les releases de Diageo à 500$ pour des 10 ans d’âge. D’un côté, des distilleries jouant la carte du savoir faire reposant sur des siècles de production, de l’autre, des micro distilleries et de nouveaux producteurs de pays quelquefois insoupçonnés, nous livrant de petites perles fort abordables en nous ramenant à l’essentiel, c’est-à-dire au contenu de la bouteille. Bien que mon whisky de l’année est une bouteille à plus de 600$, j’ai souvent été désarçonné par des whiskies plus qu’abordables, souvent sans mention d’âge (Aberlour Abunadh, Mackmyra) et j’ai aussi pu trouver réconfort dans de grands classiques redécouverts (Balvenie, Laphroaig). Même vague du côté américain qui déferle à la vitesse grand V où à chque fois que j’ai la chance de traverser la frontière, je me retrouve devant un étalage de nouveaux producteurs ayant apparu sur le marché, avec toutefois une variante au niveau des prix, les whiskies américains ayant toujours été relativement abordables. On joue ici une carte différente, on teste les limites des règlements de l’industrie, on explore le monde des céréales (Koval Millet), on bénéficie de la latitude de l’industrie. Du côté Canadien, la SAQ nous préserve de découvrir de savoureuses éditions disponibles partout ailleurs au Canada (Forty Creek) et évite bien d’encourager le commerce « local » en évitant de nous proposer la découverte de nouveaux pionniers (Stillwater) ou de vieux routard méconnus ici (Alberta Premium). J’ai eu la chance de découvrir de divines parutions qui pourraient convertir le plus obtus des amateur de single malt aux whiskies Canadiens (Highwood Distillers – LB Distillers – Mastersons – Whistle Pig) évidemment non disponibles ici. À souligner, l’arrivée prochaine de nouveaux venus dont nous avons eu la chance de goûter les échantillons « work in progress », le Stillwater rye, le divin Shelter Point, le singulier Pemberton. Avec des Highwood Distillers Calgary Stampede 25 ans à 60$ la bouteille, un Alberta Premium 30 ans à 49$… le marché des whiskies Canadiens ne demande qu’à se livrer aux amateurs de whiskies. Pouvons-nous blâmer le protectionnisme Écossais? Jamais l’industrie du whisky Écossais n’aura été aussi près d’une remise en question aussi drastique, déchirée entre une demande implosante, de la problématique grandissante de la gestion des stocks et des barils (influant sur la qualité des barils), de l’explosion faramineuse des prix. Peut-on aussi blâmer le consommateur de tenter de trouver des alternatives à cette montée exponentielle du prix des single malts?

RV:
Plus que jamais, la mondialisation des whiskies: des distilleries artisanales américaines continuent de se matérialiser un peu partout, mais la même chose du côté canadien, de l’Europe et de l’Asie. Du côté de l’Écosse, on semble encore très frileux, (peut-être dépouillé d’une couche d’imagination par les règlements SWA) mais on a quand même droit à des éditions standards (Glen Garioch) très intéressantes. Et comme la mondialisation n’apporte pas que des bonnes choses, encore cette année nous avons eut droit à des whiskies-marketing; après tout pourquoi les financiers des distilleries s’arrêteraient de créer de faux whiskies rares douteux lorsqu’ils se vendent si bien, même si le soin semble plus être sur le contenant que le contenu (que feront-ils lorsqu’il ne restera de dieux au Valhalla?). Et difficile de justifier l’augmentation totale d’un range malgré les pseudos-raisons de sélection de barils des rois de l’autosuffisance distillée (un indice: leurs nouveaux whisky ne sont ni de beaux joyaux ni de précieux métaux). Il faut donc savoir apprécier les grands classiques (après plus de 1500 autres whiskies, le Lagavulin reste mon favori) et les valeurs sûres (le Bunnahabhain 12 ans ayant été ma « petite bouteille facile » favorite).

Patrick:
Allons-y pour les “plus” et les “moins” de 2013… Les « plus » : Les artisans qui nous créent de superbes whiskys originaux aux quatre coins de la planète. En premier lieu les courageux entrepreneurs qui lancent des micro-distilleries aux quatre coins du monde : leur expériences nous font découvrir la richesse insoupçonnée de notre alcool favori. Ensuite, les employés des distilleries établies depuis des siècles qui haussent continuellement la barre de la qualité: les whiskys médiocres se font de plus en plus rares à notre plus grand plaisir. Les « moins » : L’industrie, autant les producteur que « le » distributeur québécois. L’industrie, pour nous vendre à un prix éhonté des bouteilles qui, bien qu’elles soient de très bonne qualité, coûtent à produire une fraction du prix qu’elles sont vendues. Du capitalisme comme on aime l’haïr. Ensuite, la SAQ, ce monopole d’État des années 1920… Qui existe encore aujourd’hui simplement à cause du manque de courage du gouvernement qui n’ose pas affronter les puissants lobbys représentant tout ceux qui s’enrichissent au dépends du peuple québécois, qui paie trop cher pour un choix trop limité. Du socialisme comme on aime l’haïr. Aussi, je ne saurais passer sous silence la nouvelle tendance des « no age statement ». Je suis d’accord avec le principe qu’il n’est pas nécessaire d’attendre 10 ans ou plus pour déguster un whisky de qualité. Toutefois, cette nouvelle façon de faire fera en sorte que nous nous retrouverons à payer des prix abusifs pour boire de bons whiskys, alors que ceux-ci étaient jusqu’alors vendu à un prix raisonnable compte tenu de leur jeune âge.


Déception de l’année

André:
Pittyvaich 20 ans
Se faire escroquer de la sorte, y’a des gens qui vont en prison pour moins que ça. Aussi à souligner, l’infâme Bastille 1789 mais à un prix raisonnable.

RV:
Pittyvaich 20 ans
Une triple déception: après des années à lire les désastreuses évaluations de Jackson et Murray à propos du liquide s’écoulant de cette distillerie, enfin j’ai pu gouter à un . Certes, il n’est pas bon; difficile de trouver du positif et au-delà du goût, le prix exorbitant en fait qu’un whisky à gouter de manière fortuite. Mais ce qui est une plus grande déception, c’est qu’il n’est pas si mauvais (très mauvais, mais pas extrêmement). Quand un whisky ne réussit même pas à décevoir totalement, on le réserver pour les blends… ou la fermeture de sa distillerie.

Patrick:
Pittyvaich 20 ans
Peut être pas le pire au goût, mais définitivement le pire rapport qualité/prix que j’aie jamais vu. Comment peut-on oser vendre un produit si infecte à un prix si élevé? La distillerie a beau être fermée, elle l’a justement été car elle n’arrivait pas à produire un produit de qualité. De vendre le contenu des quelques futs restants à un tel prix démontre que Diageo prends ses clients pour des cons. Et ces derniers semblent lui donner raison puisque les bouteilles finissent tout de même par s’écouler…


Meilleur achat / prix SAQ

André:
Glen Garioch 1995
Si vous ne l’avez pas encore en main, c’est le must have de 2013. Noté plus de 90% par les 3 évaluateurs du site. Une qualité d’exécution rêvée pas plusieurs pour un prix dérisoire.

RV:
Shell Super sans plomb
Le meilleur whisky qu’on peut se procurer au Québec? On passe chez Shell pour faire le plein et on se sauve au New Hampshire ou dans l’état de New York pour acheter des bouteilles à la moitié du prix. Ou alors des bouteilles non disponible au Québec parce que le producteur est trop petit pour s’attaquer aux règles et à la voracité des dirigeants SAQ. Et ne surtout pas oublier de faire le plein avant de revenir: avec l’argent sauvé sur les taxes sur l’essence, vous pourrez vous payer un petit bourbon sympa, le tout bien sûr acheté directement et simplement au dépanneur du poste à essence.

Patrick:
Les rhums de la série « Plantation »
Une belle diversité de saveur, des nouveautés fréquentes, une qualité constante, et un prix raisonnable. Au niveau whisky, je n’ai toutefois rien de trouvé qui réunissait ces quatre conditions.


Meilleur whisky d’ailleurs (whiskies du monde)

André:
Michel Couvreur Candid
Découverte méconnue de bien des amateurs, parfois à cause du prix de certains embouteillages, on aura découvert cette années de beaux embouteillages de Michel Couvreur, qui aura su pousser l’utilisation des fûts de sherry à son paroxysme. Dommage que cette année, nous ayons aussi perdu ce personnage hors-norme du milieu du whisky. Je lève encore un verre à votre santé M Couvreur. C’est certes un bel héritage que vous nous avez laissé…

RV:
Michel Couvreur Candid
Après le Blossoming Auld Sherried de l’an dernier, le regretté Michel Couvreur nous as sorti une édition jeune et surprenante; toujours son vieillissement en sherry, mais cette fois-ci avec un distillat qui semble directement venir d’Islay, de Bowmore probablement. Un prix peut justifiable de 140$ pour un whisky qui semble ne même pas faire les dix ans, mais un goût qui m’a fait mes gros sous de Séraphin. Peut-être vaudrait-il en acheter quelques bouteilles? Les tableaux de Dali se vendait pas très chers immédiatement après sa mort.

Patrick:
Michel Couvreur Candid
J’espère que la concurrence sur ce front inquiète un peu nos amis écossais. Mon choix pour cette catégorie fut agréablement difficile compte tenu de la qualité et du choix qui vont sans cesse en croissant. Enfin, toujours est-il que mon choix de l’année est né en Écosse, mais a été élevé de main de maître en France par l’équipe du regretté Michel Couvreur.


Meilleur whisky canadien

André:
Highwood 25yo Calgary Stampede (6,000 bottles limited edition)
Mon choix initial était le Whistle Pig 10yo mais dû à l’ambigüité crée par la provenance du dit nectar distribué aux USA… Superbe création ce Highwood 25ans, avec ses notes de pâtisseries et de pain, sa texture soyeuse et crémeuse et son prix dérisoire de 52$…pour un 25 ans d’âge. Ma plus haute note au CWA 2012/2013 à l’aveugle.

RV:
Stillwater Stalk and Barrel #3
Difficile de ne pas flancher pour une distillerie qu’on a pratiquement vu naître, mais lorsqu’à gauche et à droite je vois les autres critiques encenser leur création, je sens que mon attachement pour leur liquide est justifié. De plus, à l’instar des whiskies de Forty Creek, leurs nouveaux whiskies sont définitivement hors du stéréotype « good ole canadian rye ». Une bouteille (à mon avis un peu rétrograde côté design) à découvrir, en version cask strength ou même l’édition normale.

Patrick:
Forty Creek Heart of Gold Reserve – 2013 Special Release
Vous ne savez pas de quoi je parle? C’est normal, il est disponible dans 9 provinces canadiennes… Bref, « coast-to-coast », sauf au Québec. Enfin, toujours est-il que ce rye whisky est une autre réussite de notre ami John K Hall. J’aimerais bien le voir continuer à expérimenter avec d’autres types de whisky… A quand le single malt ou le « bourbon canadien »?


Meilleur whiskey américain

André:
George T Stagg 2013 Edition
Après avoir attendu 12 ans avant de mettre une bouteille, je me suis dit que ça a avait valu la peine d’attendre afin d’avoir un bagage qui m’aura permis d’en apprécier la qualité. Une bombe américaine livrée à un taux d’alcool décoiffant de plus de 70%.

RV:
Balcones Brimstone
Après quelques années d’expérimentation certes hors normes, Balcones me couple le souffle avec son Brimstone. Tel que le Black Dog de MB Roland, Chip Tate s’attaque à la fumée d’une manière toute originale, et ce que l’on retrouve dans le Brimstone n’est pas une imitation d’Islay mais une symphonie de la fumée dans un tout autre registre, plus métal que végétal. Originalité, surprise, force.

Patrick:
Balcones Baby Blue
Original, suave, éclatant et « fun ». Non seulement le meilleur américain, mais un finaliste au meilleur whisky de l’année.


Meilleur Whisky de 2013

André:
Bowmore 1985-2012 26 ans – Édition limitée
Pas de doute, Islay… La tourbe envoûtante vous caresse le nez dès le départ et les fruits du fût de sherry – enrobé de chocolat noir – tendrons rapidement la main aux notes maritimes afin d’entamer ce long slow cochon. Les embruns salés applaudiront la réunion de ces éléments réunis avec un équilibre incroyable. La texture en bouche est crémeuse et soyeuse, l’alcool espionne dans un coin discrètement, d’autres couples se joindront à la danse; oranges et chocolat, fruits rouges et sherry, sel et tourbe, mélange de miel et de toffee chauffé également. La finale est en tout en développement, l’alcool prendra un peu de vigueur, le sel gagnera en importance avant le retour des fruits rouges et des cerises marasquin. L’équilibre parfait de tout les éléments… Simplement inoubliable.

RV:
Finger Lakes Peated Experiment
La fumée était à l’honneur cette année il faut croire: encore plus que le Brimstone, le whisky que j’ai le plus aimé cette année fut sans contredit l’expérience que fait actuellement la distillerie artisanale Finger Lakes avec la tourbe. Un tour de force en plus car le grain ou la tourbe est toute américaine et non pas importé d’Europe. Mais ce qui fait encore plus sa force et la force du bois qui s’exprime si bien au travers de toute cette tourbe. La bouteille dont j’attend le plus l’arrivée en tablette dans les années futures.

Patrick:
Bowmore 1985-2012 26 ans Édition limitée
Ma distillerie culte a encore méritée sa place dans mon cœur en nous offrant ce sublime nectar. Dans la catégorie « whisky to live for ». Aussi, mention spéciale à Macallan pour leur 1955 : compte tenu de la rareté du produit, je trouvais un peu injuste de le nominer.

Revue Québec Whisky 2012

Introduction

André:
Année de « Faux pas » et d’essais douteux? Bousculés par l’apparition grandissante de nombreuses microdistilleries de part le monde, le marché Écossais tente de se renouveller. Celles-ci n’étant pas soumises aux mêmes lois et n’ayant pas à suivre une idéologie historique (parfois intouchables) des vieilles distilleries, ont le champ libre à l’essai. Après de multiples efforts parfois réussis, parfois douteux de Bruichladdich, la distillerie aurait trouvé sa niche. Personnellement, je trouve que celle-ci n’est pas encore bien définie et qu’arrivera-t-il avec l’après McEwan ? Et Laphroaig qui tente de réinventer son classique en essayant l’affinage en fût de PX (fail) et le douteux Ardbeg Galiléo Marsala Cask ou on espère poursuivre les bons résultats d’affinage de Glenmorangie en les appliquant à Ardbeg (fail #2). L’industrie Écossaise doit se réinventer, cela devient une priorité.

RV:
Après des centaines de whiskies et 10 ans d’expérience, 2012 a été un retour aux sources. Beaucoup de ceux qui m’ont le plus marqué ont été les éditions standards ou les nouvelles versions (batches) de vieux classiques. Certes le marché est toujours en mutation, il y a encore quelques éditions où le marketing dépasse le goût (entre autres la série des très ordinaires HP Saint-Magnus, Thor et autres déités douteuses) ou bien où un revendeur a dû acheter un baril 1$ parce que teinté de sulphure (Old Malt Cask et son infect Mortlach 21YO). Toutefois j’ai encore eu droit à plusieurs surprises, autant du côté des nouveaux (King’s County Bourbon) que des anciennes (Glenglassaugh Revival), même des revendeurs avec le scintillant Linkwood Côte Rôtie, peut-être le meilleur whisky embouteillé par une tierce compagnie de ma vie.

Patrick:
Somme toutes, 2012 fut une belle année pour les consommateurs de whiskys du monde et du Québec. Au niveau choix, le nombre de micro-distilleries explose, ainsi que le nombre d’embouteillages généralement intéressants provenant de nos distilleries favorites (contrairement à André, j’adore l’Ardbeg Galileo!). Même notre monopole d’état favori, la SAQ, nous a offert cette année plus de nouveautés que jamais (bon, nous sommes encore loin de pouvoir dire que le choix y est intéressant, mais il y a tout de même une légère amélioration). Nous pourrions nous plaindre que les prix suivent une courbe ascensionnelle motivée par l’appât du gain des actionnaires et des gouvernements… Mais les lois du marché indiquent que nous sommes malheureusement toujours prêts à sortir quelques dollars de plus pour nos bouteilles favorites. Bref, ma conclusion est que tant qu’il s’ouvrira régulièrement de nouvelles distilleries, nous pourrons considérer que tout va pour le mieux (mis à part notre budget personnel).


Déception de l’année

André:
Le contenant plus que le contenu
Cette dernière année aura vu de belles mises en marché livrant des produits parfois fort ordinaires, surtout pour le prix demandé. Le Highland Park Thor, en particulier qui m’a déçu au plus grand point et mes attentes étaient grandes il faut le dire, Highland Park étant ma distillerie fétiche. Un peu la même chose pour le nouveau Bruichladdich 10 The Laddie Ten, vanté par plusieurs sur le net mais qui m’aura laissé sur ma faim. Aimer le whisky c’est aussi un plaisir pour les yeux et pour la présentation mais au final, c’est ce qu’il y a dans mon verre versus ce qu’il reste dans mon porte feuille qui sera le dernier juge et cette année aura été de celles où j’en aurai eu souvent peu pour le prix déboursé.

RV:
Glenfiddich, en générale et en particulier
Après le 102 proof, je m’attendais à du renouveau de la part de Glenfiddich, quelque chose qui fasse que lorsque je vois une de leurs bouteilles, je puisse voir autre chose qu’un single malt pour bars qui ne s’y connaissent pas en whisky. Toutefois, le Age of Discovery me prouve à quel point cette distillerie fait dans l’anodin, le malt ennuyeusement poussée à sa plus anonyme forme. D’accord, l’emballage est très rétro chic, mais un meilleur marketing et une facture facilement 100$ trop cher n’excusera jamais un whisky pas vraiment meilleur que leur réserve spéciale (tout de même à 47$ en SAQ, prix qui malgré toutes les taxes commencent à être trop cher pour un single malt moins bon que certains blends ordinaires).

Patrick:
Me faire prendre pour un con
Les distilleries qui persistent à sortir des nouveautés au taux d’alcool minimum prévu par la loi, soit 40%. Les consommateurs étant de mieux en mieux éduqués sur les critères qui font d’un whisky un produit de qualité, j’ai l’impression de me faire prendre pour un con lorsque je vois Glenfiddich sortir un produit tel que le « Age of Discovery » à 40% d’alcool. On a mis l’accent sur le packaging (ce que j’aime bien), on a produit un whisky qui semble excellent, mais on a laissé le comptable gérer la fermeture du robinet d’eau. Résultat : un whisky qui goûte l’eau. Je ne peux passer sous silence un autre exemple de distillerie qui nous prend pour des cons : Dalmore! La qualité de leur whiskys a pris une débarque monumentale, mais je dois admettre que leurs bouteilles sont parmi les plus belles! Bref, de beaux produits pour de riches cons.


Pire Whisky

André:
Thor Boyo
Cette même tourbe pas agréable du whiksy Armorik, terreuse et de pourriture organique, quelques fleurs éparses, pêches, abricot, et du sucre assez rond. Nul à chier en bouche, on cherche la texture…et les arômes. Ressemble plus à une eau-de-vin qu’à un whisky.Un peu de piquant en bouche. Finale inexistante ou presque, léger végétal et vanille…et toujours ce fond de tourbe pourrie très organique.

RV:
Thor Boyo
Des produits locaux et fermiers? Vive la campagne. Pas sérieux, non prétentieux (assez pour écrire sur l’étiquette « celui qui va en boire va chier »)? Excellent… sauf que ça prend tout de même de la qualité, chose que l’on ne retrouve pas du tout dans ce « whisky » qui pousse l’audace avec un prix avoisinant les cent dollars. Assez onéreuse comme blague, aussi cher qu’un ennuyant Macallan mais qui au moins n’est pas repoussant, il s’agit ici d’un maudit français qui aurait dû rester dans son pays. Pour plus de détails et de méchancetés, consulter la critique du Thor Boyo.

Patrick:
Thor Boyo
Le problème lorsque la demande pour un produit tel que le whisky explose, est que pour répondre à cette demande croissante, plusieurs entrepreneurs s’improvisent producteurs de whisky et nous préparent un peu n’importe quoi et n’ont aucune honte à vendre le tout à un prix mirobolant. Seul point positif : avec un tel nom, on ne devrait pas se plaindre, nous avions été prévenus!


Autres spiritueux de l’année

RV:
Gelas Single Cask Double Matured
Oui, un très peu subtil essai de copier le marché des single malts: l’appelation, la bouteille… et malheureusement le prix aussi. Toutefois, le concept est appuyé d’un armagnac de très haute qualité, supérieur à beaucoup de cognacs à plus du double du prix. Pour l’amateur de whisky doux, de whisky tout court ou simplement de n’importe quel spiritueux bien conçu, cet armagnac prouve que la qualité et le terroir ne sont pas une exclusivité d’Islay.

Patrick:
Téquila 1800 Anejo, suivi de près par le Botanist, le gin de Bruichladdich
Difficile d’arrêter sa décision sur uniquement une bouteille compte tenu de l’étendue du choix…Mon spiritueux préféré a toutefois été la Tequila 1800 Anejo, mais il faut dire que mon coup de cœur va définitivement au Botanist, le gin de la distillerie Bruichladdich. Je suis heureux de voir les écossais mettre leur savoir-faire à l’œuvre sur d’autres spiritueux.


Meilleur whisky vatted/bended/grain

André:
Compass Box The Last Vatted Malt
Wow… Nez punché et relevé. De la belle tourbe d’Islay bien sucrée, du citron, des fruits. Un nez évolutif et tout en contrastes. En bouche, il est complet et généreux; beaucoup de fruits et un mix de sherry, de miel, de chocolat, de fumée, de sel et de saveurs que l’on retrouve dans les bourbons. Finale huileuse; une ode aux whiskies d’Islay; sel, tourbe et fumée. Merveilleusement délicieux.

RV:
Clan Denny North British
Une année un peu maigre au niveau des blends et des single grains, même s’il reste encore d’excellentes découvertes à faire dans le rayon des single grains, sans compter le plaisir quand on en croise un au travers de moins intéressantes bouteilles de blends plus ou moins bon marché. Par exemple, ce North British, à un prix toujours intéressant pour un whisky de 30 ans, démontre toute la profondeur dont ce type de whisky (pas assez exploité à mon goût) est capable. Si seulement Diageo pouvait commercialiser ceux qui trainent dans leurs entrepôts de Valleyfield…

Patrick:
MacKinlay’s blended malt
Une belle histoire, un beau packaging et surtout un excellent whisky. Ce whisky est supposé être une réplique d’un whisky abandonné par une expédition en Antarctique au début du XXème siècle. Est-ce que la reproduction est exacte? On s’en fout! Le whisky est excellent, offre une complexité et un raffinement exceptionnel, alors que demander de plus? Définitivement mon coup de cœur de l’année!


Meilleur whisky d’ailleurs (whiskies du monde)

André:
Mackmyra Reserve Single cask # TA-808:45
Nez de fruits couleur rubis. Wow, c’est riche comme nez, très élégant, sexy. Fruits rouges sirupeux, cerises, Cherry Blossom, nez campagnard de fruits des champs et de confiture. Texture langoureuse, soyeuse, très impressionnante. Explosion de fruits dans leur sirop, pastille aux cerises. Peut ressembler à un whisky d’affinage en fût de cognac sans le côté asséchant. Que c’est bon…….après trois verres je suis toujours estomaqué par la complexité et l’effet enrobant de ce whisky. Un whisky entier jusque dans sa finale interminable en maelstrom de fruits capiteux. Un Smörgåsbord de fruits. Comme disait Jonathan Luks, représentant de Mackmyra « Age doesn’t matter, it’s all about taste ». This is it ! Bravo!

RV:
Michel Couvreur Blossoming Auld Sherried
De bons produits du Japon (dont le tourbé Hakushu Heavily Peated), les Irlandais une fois de plus ne semble pas vouloir offrir de bons produits, mais après mon pire whisky de l’année jamais je n’aurais cru que mon meilleur whisky du monde aurait été fabriqué en Écosse mais élevé en France. Et quelle éducation! Dans la trempe des meilleurs Aberlour Abunad’h, le sherry est maitrisé et pousse le malt en terrain merveilleusement inconnu. L’éducation a malheureusement un prix (287$ dans ce cas) mais pour un single malt de plus de 20 ans, l’attente valait la peine aussi. Voyez la critique du Blossoming Auld Sherried pour vous mettre l’eau à la bouche.

Patrick:
Mackmyra Reserve Single cask # TA-808:45
Original et exceptionnel! Mackmyra fait partie des rares distilleries dont je recherche un maximum d’embouteillages.


Meilleur whisky canadien

André:
Canadian Rockies 21 ans (Taiwan exclusive)
Thanx to the Canadian Whisky Awards et Davin de Kergommaux. Ce rare embouteillage m’a simplement renversé. Un exercice sur les céréales et la douceur du miel. À égalité avec le Forty Creek Bourbon tiré le da session « Whisky deconstructed » avec John K Hall. L’industrie du whisky Canadien est en bonne santé et merci à John K Hall pour sa grande contribution. Reste juste la SAQ qui tire de la patte afin d’entrer les reste de ces produits au Québec. Nul n’est prophète dans son pays…

RV
Forty Creek Rye Cask
Ce ne sont pas toujours les meilleurs boissons qui se rendent sur les tablettes et vivement les activités du Club de Whisky de Québec (vive l’autopromotion présomptueuse!) pour découvrir un élixir de la trempe du Forty Creek Rye Cask, tel que fabriqué par John K. Hall avant d’être blendé. Une autre de mes découvertes 2012, le rye est sûrement le grain le plus tempéramental; dans cette déclinaison il est doux, pas trop aigre ou épicé, bien dosé et bien marqué à la fois. Aussi divin à 40%, je me demande ce qu’il aurait pu arriver de mon choix de whisky de l’année si ce rye cask avait été de surcroît embouteillé cask strength.

Patrick:
Forty Creek Copper Pot Still
Les whiskys canadiens commencent à être de plus en plus intéressants et ce, en grand partie grâce à des distilleries telles que Forty Creek. Et lorsque celle-ci nous donne une superbe nouveauté à moins de 30$ (évidemment, non disponible sur les tablettes de notre monopole d’état, la SAQ), c’est en quelque sorte un coup de pied au c… à l’ensemble de l’industrie du whisky! Oui, il est possible de créer un produit « régulier », excellent et pas cher. Bravo et merci!


Meilleur whiskey américain

André:
Buffalo Trace Single Oak Project Batch 61
Il fallait le faire et BT l’ont font… une expérimentation débouchant sur 191 bouteilles différentes. Différents types de warehouse, de coupe de bois, de recette… un exercice qu’il fait bon apprécier lorsque vous pouvez trouver les dites bouteilles, pas données d’ailleurs (50$ le 375ml). Cette batch, un wheat whisky est superbe, si doux, si bien balancé. Pas trop loin par contre des bourbons traditionnels avec son voyage de fruits rouges et l’abondance de sucre. Un whisky tellement réconfortant que j’ai savouré le 375ml en une seule soirée – tout seul – devant un bon feu de foyer.

RV:
Parker’s Heritage Cognac Finish
Certainement, j’ai encore pu goûter à de très bonnes sorties de microdistilleries mais c’est une bouteille très risquée pour une mégadistillerie assez traditionnelle (Heaven Hill) que j’ai retenue comme mon meilleur whiskey américain. À une ou deux éditions spéciales par année avec une vraie rareté, un marketing qui me plait presqu’autant que le liquide dans la bouteille. Issu d’une finition en fût de spiritueux français, le Parker’s Heritage Cognac Finish a su garder le contrôle tout en laissant une très belle place au raisin du cognac et à sa part de blé qui constitue sa recette.

Patrick:
Willett Pot Still Reserve
Un peu un gagnant par défaut… Il s’agit d’un bon bourbon, mais il va sans dire que les grandes distilleries américaines ne m’ont pas impressionnées depuis longtemps. Leurs produits sont monotones, et leur seul attrait réside souvent dans leur prix. J’aurais espéré que la prolifération de micro-distilleries au pays de l’Oncle Sam les auraient un peu motivées à faire quelque chose de différent, mais non. Bof.


Meilleur scotch whisky

André:
Laphroaig Cairdeas 30 ans
Après 12 ans de dégustation et près de 1500 whiskies goûtés, on devient peut-être un peu plus difficile à impressionner. Ce Laphraoig 30 ans m’a fait hésiter aussi avec le Lagavulin 21 ans mais à environ le même prix (plus de 1000$ et 5 ans de plus au Lagavulin pour 1000$ de plus que l’édition 16 ans régulière…you kidding ?!) ce Cairdeas Limited Edition m’a mis dans tout mes états. Le paroxisme pour un amateur de whisky, ce nectar est de la trempe du Saint-Graal, difficile à trouver mais quel plaisir à savourer. Merci à Marie-Lou et PL de m’avoir rapporté le sample directement de la distillerie.

RV:
Aberlour A’bunadh batch 40
Le bon vieux A’bunadh, rien goûter de mieux dans l’année? Oui, et non. Premièrement, il s’agit du BON vieux A’bunadh, une fois de plus dans une version différente de celles des dernières années. Un peu à l’image du Glenrothes 1995 de l’an dernier, c’est un calcul difficile pour une distillerie de sortir un whisky qui doit s’inscrire dans une ligne directrice mais qui doit aussi sortir du lot pour plaire aux grands amateurs. Cette fois-ci avec des accents de pomme et de fruits, toujours avec un taux d’alcool challengeant, le Aberlour A’bunadh batch 40 se révèle comme une toute simple bouteille chaleureuse et délicieuse.

Patrick:
Lagavulin 21 ans
Il ne s’agit pas réellement d’une nouveauté 2012, mais compte tenu de la difficulté que j’ai eu à mettre la main dessus (merci Mireille), je me permets de la présenter ici. Mon whisky préféré âgé 5 ans de plus? Ca ne pouvait qu’être excellent! Les nouveautés de cette distillerie sont trop rares, mais bon, avec cette nouvelle édition, elle a le « prestige » d’offrir 2 des 3 whiskys de mon top 3 personnel toutes catégories!


Meilleur Whisky de 2012

André:
Balvenie TUN 1401 Batch #3 US Release
Difficile d’être déçu avec Balvenie, pas toujours surpris par contre, mais très rarement déçu. Balvenie suit sa ligne directrice, bien tracée avec des variantes d’embouteillages en embouteillages. Celle-ci éclipse haut la main sa sœur (par alliance) Glenfiddich et continue d’être la distillerie sous-estimée. La session dédié exclusivement à Balvenie donnée au club au printemps a renoué mon amour avec cette distillerie et ses superbes réalisations; le 30 ans, divin, le 15 ans et ses single cask, le 21 en fût de sherry, l’abordable Double Wood, les rhum finish et ce renversant TUN 1401 qui en aura étonné plus d’un…

RV:
Buffalo Trace Single Oak Project Batch 61
Un concept effronté: sortir plus d’une centaine de recettes différentes (différentes proportions de grains, différents planches de baril, différents séchage de baril, etc) et voir ce qui arrive. Dans ce 61e projet, c’est une recette de blé qui a retenu mon attention, spécialement lorsque plus tard j’ai pu goûter à exactement la même recette mis à part la teneur de blé qui avait céder le pas au seigle. Bien que malheureusement je n’ai goûté que deux recettes sur les dizaines et dizaines disponibles (peut-être pas si malheureux pour mon foie finalement), l’édition 61 n’est pas seulement la meilleure recette, non seulement le meilleur whiskey américain mais le meilleur whisky tout court que j’ai goûté en 2012. Au-delà de l’expérience très intéressante, le goût de ce Buffalo Trace Single Oak Project #61 fait foi de tout. Et vive le bourbon.

Patrick:
Ça dépend!
Selon les « points », définitivement le Lagavulin 21! Au cœur, le MacKinlay’s règne en maître. Au rapport qualité-prix, j’aurais apprécié que le Forty Creek Pot Still ait un peu plus de compétition. Enfin, pour paraphraser RV, le meilleur whisky est celui auquel je n’ai pas encore goûté! Bonne année 2013!strong

Séduction et Whisky

Votre conjoint(e) est jalouse de la passion que vous portez à votre collection de bouteilles de whiskies? Voici comment passer une soirée inoubliable avec vos deux amours en même temps! Nous allons donc (re)découvrir des whiskies que vous pourrez déguster avec l’être aimé, que vous soyez un gars qui veut partager sa première passion avec sa blonde, ou une fille qui veut s’immiscer entre son chum et ses rivales!!!

En fait, pour aider la néophyte de votre coeur à apprivoiser le whisky, le truc est souvent de bien le présenter et de le de marier avec une sucrerie. Comme premier exemple, nous utiliserons une façon de déguster le whisky que je m’étais toujours refusé: le boire congelé! Commencez par laisser une bouteille de Johnny Walker Gold 18 ans dans le congélateur pendant toute la nuit, puis servez-le dans un verre qui aura passé la nuit avec la bouteille… (tant qu’à être dans la thématique amoureuse) Puis, allez chercher un bon chocolat pas trop fort tel que le Michel Cluizel, 1er cru de plantation, chocolat au lait de 50% de cacao.

Vous avez donc maintenant tout en main pour procéder à l’expérience: Prenez le chocolat en bouche et laissez le fondre tranquillement. Puis, lorsqu’il aura bien enveloppé votre palais et votre gorge, buvez votre whisky en vidant votre verre d’un trait (je n’ai jamais bu mon whisky ainsi non plus!). La sensation devrait être surprenante pour vous et agréable pour votre amie que vous initiez.

Voici quelques notes de dégustation au sujet de ce whisky afin d’épater votre muse par vos talents gustatifs:

Johnnie Walker Gold 18 ans

40% alc./vol.
Nez: Malt et légère crème. Goût: Malt, crémeux, soupçon de raisin, caramel et miel. Finale : Malt frais, crème légère, multidimensionnelle. Glacé: Le chocolat et le whisky se marient très bien, pour nous laisser un goût rafraichissant où se mélangent le caramel, le miel et un soupçon de raisin. Commentaire: Je suis impressionné par le résultat: c’est agréable au goût et ça descend bien! Ce qui est perdu au niveau de la complexité des saveurs à cause de la température du whisky est récupéré grâce au chocolat et à la sensation très rafraichissante!

Continuons donc nos expérimentations, sans perdre de vue que nous faisons évidemment tout cela en pensant uniquement au bonheur de notre amour. Dirigeons nous vers le Speyside, la région d’Écosse qui est au whisky ce que Bordeaux est au vin. Les single malt de cette région sont réputés pour leur élégance : nous y retrouvons souvent des notes florales de bruyère, du miel et parfois une belle nuance tourbée très discrète.

Maintenant que l’élue de votre coeur s’est rendue compte qu’il était possible de ne pas détester le whisky, présentez lui les single malt de la même façon que vous les appréciez, ou presque! Ici encore, commencez par prendre un bon chocolat au lait (toujours 50% de cacao – oui, nous recommandons habituellement des chocolats plus forts en cacao aux amateurs de single malt, mais il ne s’agit pas de notre public cible aujourd’hui!). Laissez-le fondre en bouche. Puis, portez à vos lèvres un verre de Macallan Sherry Oak 12 ans.

La technique habituelle de dégustation des single malts s’applique plus que jamais : regardez, humez puis prenez une toute petite gorgée que vous garderez en bouche le temps que votre salive imbibée de chocolat enveloppe le whisky. Voici quelques notes de dégustation pour vous guider:

Macallan Sherry Oak 12 ans

40% alc./vol.
Nez: Vanille avec une note de gingembre, fruits séchés, sucre du xérès et fumée de bois. Goût: Onctueux, fruits secs et xérès généreux, nuancé d’épices et de notes fumées. Finale: Caramel écossais onctueux et fruits secs, épices et notes fumées qui se mélangent admirablement bien avec le chocolat. Commentaire final : Whisky plein de subtilités, riche et intense, qui saura plaire à l’amateur sérieux autant qu’à la débutante qui le dégustera avec un bon chocolat. Elle aura en fait l’impression de manger un chocolat aux piments, ce qui devrait aider à inspirer un fin de soirée plus… pimentée!

Si vous voulez impressionner votre charmante compagnie par votre culture, vous pourrez lui expliquer que Macallan apporte un soin presque maladif à ses whiskies! En effet, ils vont jusqu’à être propriétaires des forêts en Europe et aux Etats-Unis où poussent les chênes qui servent à fabriquer les barils utilisés pour le xérès ou le bourbon. Ces barils sont ensuite envoyés en Écosse, où ils servent à faire mûrir le Macallan.

Juste avec une telle mesure, Macallan s’identifie comme un fabriquant de premier plan. Mais ce n’est pas tout: Ils utilisent aussi une bonne proportion d’orge « Golden Promise », car selon eux, elle donne de meilleurs résultats au goût et ce, malgré qu’elle soit plus coûteuse à produire. Et ceci est loin d’être suffisant pour eux: Ils utilisent également le plus petit cœur de chauffe au monde soit seulement 16%. C’est-à-dire que 84% du produit de la distillation ne pourra aller directement dans une bouteille portant le nom « Macallan »…

Enfin, une dernière expérience qui saura conquérir le coeur le plus glacé. En fait, ici nous trichons un peu car il ne s’agit pas vraiment d’un whisky, mais plutôt d’une liqueur à base de whisky, avec un taux d’alcool comparable à celui du porto, à 25%. Il s’agit d’une belle surprise de l’une des meilleures distilleries du Speyside qui a délicieusement balancé son single malt avec du sirop d’érable et des noix de pacanes: le Macallan Amber.

Macallan Amber single malt scotch whisky liqueur

25% alc./vol.
Nez: Pacanes rôties et érable. Goût: Erable, pacanes. Caramel, un peu d’épices. Sucre. Le malt ne fait que supporter admirablement le tout. Finale: Longue et douce, sucrée… D’abord l’érable, ensuite les pacanes. Commentaire : Une excellente façon de terminer votre souper en tête à tête pour passer à autre chose!

Ces trois expériences vous permettront, je l’espère, de passer une agréable soirée en réunissant autour de vous vos principales passions. Évidemment, il est tout à fait recommandé d’ajouter à ces suggestions des chandelles, de la musique délicate, un bon feu de foyer et quelques pétales de roses!

Bonne soirée!

Juger les meilleurs whiskies canadiens: l’expérience

Le 19 janvier prochain aura lieu les Canadian Whisky Awards 2011 dans le cadre du Festival de Whisky de Victoria, en Colombie-Britannique. Lors de cet événement, les prix et les médailles seront attribuées pour les meilleurs whiskys canadiens. Pour déterminer les gagnants, des juges ont été sélectionnés parmi des auteurs, des bloggeurs et des experts dans le monde du whisky. Ils font équipe avec Davin DeKergommeaux. Davin est un auteur qui publie le www.canadianwhisky.org, contribue entre autre au Whisky Magazine, a participé au plus récent World Whisky Atlas de Dave Broom et a écrit son propre livre à paraître ce printemps. Il est un des trois Malt Maniacs Canadiens.

M. DeKergommeaux a demandé à André Girard, l’un des fondateurs du Club de Scotch Whisky de Québec, de faire partie du panel de juges pour sélectionner les meilleurs whiskies canadiens. Juger des scotchs au delà d’une note de dégustation n’est pas monnaie courante pour les amateurs de scotch. En fait, qu’est-ce que cela implique au juste d’être juge ? Quel est le processus ? André a bien voulu partager avec les membres du Club et les internautes, son expérience.

Le panel

André fait partie d’un panel de 6 juges provenant d’un océan à l’autre: de la Colombie Britannique, Lawrence Graham de whiskyintelligence.com, de l’Alberta: Chip Dykstra de therumhowlerblog.wordpress.com. Le juge de l’Ontario est Kris Shoemaker dailydramaddicts.blogspot.com. De l’Atlantique: Jason Debley jason-scotchreviews.blogspot.com. Également faisant partie du panel et représentant les États-Unis, le journaliste Mark Gillespie de whiskycast.com.

La tâche

Les juges ont reçu 32 petites bouteilles avec des échantillons des whiskies. Chaque échantillon est numéroté donc, il s’agit bien d’une dégustation à l’aveugle. Chaque juge devaient établir une note globale pour chaque échantillon avec l’option d’écrire une note de dégustation détaillée.

Il a été suggéré aux juges de déguster quatre à six whiskies à la fois et d’établir un pointage rapide, spontané, de les enregistrer et d’y revenir plus tard en goutant les ceux qui avaient reçu une note similaire lors du premier tour. L’exercice est assez objectif.

Une première

André en était à sa première expérience : « Recevoir la boite d’échantillons à la fin novembre, c’était comme Noël avant le temps! Je vivais aussi un peu de stress aussi parce que le train était maintenant bien en marche et j’étais à bord. »

André explique également que les délais ajoutaient aussi un peu de pression. Avec les vies occupées que nous avons, il est important de se faire un échéancier et surtout… « Prier pour ne pas avoir la grippe, car 10 jours sans être en mesure de gouter, ça fout en l’air ton échéancier. »

32 petites bouteilles, de couleur, d’odeur et de goût différent apportent son lot de difficultés. Il faut se trouver une méthode, une stratégie. André a donc gouté au lot de bouteilles une première fois en prenant des notes de dégustation sommaires et en attribuant une note dans une tranche de 10 points. Il a par la suite gouté une seconde fois aux whiskies s’étant vu attribué des notes semblables et selon les goûts similaires. Ce n’est pas l’idéal de boire un whisky épicé avant un autre whisky très doux et floral. Pour éviter de briser le rythme, il a séparé les échantillons par catégories similaires et il a goûté à nouveau aux whiskies du meilleur à celui qu’il a aimé le moins. Méticuleux, André a refait le même exercice une 3ième fois avec les meilleurs de chacune des catégories puis les meilleurs deuxièmes et ainsi de suite. Ceci demandait à André de boire combien de whisky par soir ? « J’étais habitué à une routine d’un whisky (en général) par soir mais là, je devais boire un minimum de quatre whiskies par soir pendant plus d’un mois. Je suis donc bien préparé pour les fêtes ! »

Les nommés

Étant donné le processus anonyme, André ne peut pas à ce moment nous parler de la qualité des produits goûtés et ceci, même s’il a su par la suite le nom lié à chacun des échantillons. Selon lui, il y a eu quand même de belles surprises et il a eu le privilège de goûter à des nouveautés qu’il ne connaissait pas. L’exercice lui a permis de revoir certaines évaluations effectuées au courant de la dernière année. Intéressant d’observer une constance, une stabilité dans les notes. Les échantillons goutés représentent bien le marché des whiskies canadiens en 2011.

Le bilan André ? « Je suis heureux d’avoir eu cette expérience, car elle m’a apporté beaucoup sur la façon d’aborder la dégustation des whiskies. Évidemment, j’aimerais bien refaire l’expérience l’an prochain ou dans un autre concours ! »

On remercie au passage Johanne McInnis, Whisky Lassie en personne, pour avoir posé avec les garçons et pour nous avoir laissé utiliser son cliché…

Que le meilleur gagne!

Dufftown, la Mecque du whisky

Après avoir été coincé à la distillerie Glenfiddich par une tempête de neige, j’ai dégusté un Glenfiddich 1959 valant plus de 3000$… le verre!
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J’ai eu la chance de visiter Dufftown, la « Mecque » du whisky, l’hiver dernier. Pourquoi la Mecque? Avec près de 10 distilleries de scotch, dont la fameuse Glenfiddich, ce village de moins de 1500 âmes produit environ 10% du whisky écossais! Voici donc le récit de cette visite plutôt exceptionnelle…

Je suis parti le 5 janvier au matin, en même temps que la Lune et les étoiles bref, vers 9h00 (l’ensoleillement ne dure que 7 heures ici, l’hiver) pour m’engager encore sur une charmante petite route pas assez large et déneigée de façon plutôt artistique : disons qu’il y a eu quelques « close miss » sur la route… En fait, pour croiser une auto, j’ai du aider la femme qui me croisait à pelleter l’accotement pour qu’elle puisse y garer son auto afin de me laisser le passage (elle était fière d’avoir 2 pneus d’hiver, contrairement à moi!). A une occasion, j’ai même perdu plus de trente minutes à cause d’un camion citerne qui était en diagonale sur la route (disons que j’étais plutôt heureux qu’il reste coincé là, alors qu’il commençait à glisser dangereusement dans ma direction!). Bref, j’ai pris près de 3 heures pour parcourir quelques 60 kilomètres… Toujours est-il qu’il est passionnant de rouler sur une route et de voir ces distilleries dont nous ne voyons que trop rarement les bouteilles au Québec, tel que Tormore, Aberlour, et autres…

Arrivé à la distillerie Glenfiddich à Dufftown, j’ai heureusement eu droit à un accueil des plus chaleureux de Ian Millar, Master Distiller et Global Ambassador avec qui j’ai effectué la visite des distilleries. La première, Glenfiddich, est celle qui produit le whisky single malt le plus vendu au monde, le Glenfiddich vieilli 12 ans. Elle produit aussi le Glenfiddich 15 ans Solera Reserve, qui figure également dans le top 5 mondial. Pas besoin de vous dire qu’elle est d’une taille impressionnante. Plus de 150 employés y travaillent et ils font vieillir près d’un million de futs de whiskys (à titre de comparaison, pour ceux qui m’ont accompagnés à Valleyfield, il y avait 450,000 futs) produits à l’aide plus de 25 alambics (à titre de comparaison encore, Glenora, en Nouvelle-Écosse, ne possède que 2 alambics qui ne fonctionnent que quelques mois par année).

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La seconde, Balvenie, aussi propriété de William Grant & Sons, est située à moins de 2 minutes à pied. En fait, vu de la route, les 3 distilleries visitées donnent l’impression d’en être qu’une seule. Ici, j’ai été particulièrement impressionné par les planchers de maltage, c’est à dire la gigantesque salle où l’orge est transformée en malt: après avoir fait baigner l’orge dans l’eau, celle-ci est étendue sur le plancher pour permettre à la germination de s’activer et ainsi libérer les sucres nécessaires à la création d’alcool. Et pour les amateurs zélés, oui, Balvenie est un whisky tourbé: j’en ai eu la preuve en voyant le four qui fait sécher le malt (il faut faire sécher le malt pour éviter de se retrouver avec un champ d’orge au lieu du plancher de maltage). En effet, le four est chauffé à l’aide de 99% de charbon et 1% de tourbe pour donner une concentration de tourbe d’environ 0.001 parties par million.

Enfin, la grande mystérieuse, Kininvie. Cette distillerie est la plus récente du groupe (construction en 1990 vs ~1887 pour les autres) et est utilisée exclusivement pour les blends tels que le Grant ou le Monkey Shoulder. Son single malt est impossible à retrouver sur le marché: tout ce qu’il fallait pour exciter ma curiosité au sujet de cette distillerie! En fait, celle-ci partage presque toutes ses installations avec Balvenie (mash tun, wash tun, etc. sont dans le même bâtiment), à l’exception des alambics qui sont dans un bâtiment différent, à quelques mètres de distance. Malheureusement, rien de bien spectaculaire…
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Par contre, la visite des entrepôts fut très spectaculaire. Nous avons commencé par l’entrepôt numéro 1, celui destiné aux touristes. J’ai pu y trouver les 3 types de futs habituellement utilisés pour faire vieillir le Glenfiddich, soit le fut ayant préalablement servi à faire vieillir le sherry, celui ayant servi au bourbon et le fût neuf. J’ai senti le whisky de chacun des fûts, et mon préféré fut définitivement l’ex-fut de bourbon: sucré, mais pas autant que le sherry, juste assez pour permettre à la complexité du whisky de s’exprimer.

Le meilleur était toutefois à venir… Après avoir traversé quelques bancs de neiges, Ian m’a invité à visiter l’entrepôt (fermé aux touristes!) où est la fameuse cuve Solera: il s’agit d’une cuve où les whiskys provenant des futs susmentionnés, après 15 ans de vieillissement, sont versés pour y être mélangés. Ce qui est particulièrement intéressant est que cette cuve est toujours gardée à moitié pleine pour assurer que votre Glenfiddich 15 ans que vous achetez à la SAQ goûte toujours la même chose. A mon grand plaisir, Ian m’a permis de goûter au whisky directement à partir de la cuve : j’ai donc eu la joie de goûter à l’un de mes whisky préféré à son état naturel, soit à plus de 60% d’alc/vol, directement dans un bécher de 2 litres… Wow!
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La dégustation n’était toutefois pas terminée: Ian a aimablement bien voulu répondre à mes questions au sujet du vieillissement du whisky en m’offrant de goûter (toujours directement tiré du fut!) au Balvenie 1968, Glenfiddich 1976, 1973 et 1959 (52% d’alc/vol). Oui, 1959, plus de 50 ans d’âge! A titre d’indication, le 21 décembre 2008, une bouteille de Glenfiddich 50 ans s’est vendue aux enchères pour $38,000US. Faites une rapide règle de 3 pour calculer combien notre verre de 2 onces valait… Oui, 3000$… Et oui, il était excellent!! Mais comment décrire une telle expérience? Une richesse d’épices et de sucres incomparable,tions!!! le tout marié ensemble par un boisé plus puissant que je n’en ai jamais vu dans un whisky. Ma note: 93%… Mais 100% au niveau des émotions! A titre indicatif le 1976 s’est mérité un 94%, mais n’a pas généré autant d’émotion.

Un peu pompette, j’ai terminé la journée par une petite marche jusqu’au charmant village de Dufftown et je suis ensuite rentré à la maison pour me réchauffer auprès d’un feu de tourbe et d’une sélection d’excellents produits de William Grant, tels que les Balvenie 12, Glenfiddich 15 Solera (mais réduit à 40%), l’intrigante Glenfiddich Malt Whisky Liqueur et l’Hendrick’s Gin, idéal pour les gin tonic.

Le lendemain, la question était « quoi faire lorsque la moitié des routes sont fermées et que vous êtes coincés dans le milieu du Speyside? » Marcher et visiter une demi-douzaine de distilleries parsi!
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Alors que je finissais mon déjeuner, Ian est venu me rencontrer pour me proposer le St Graal des whiskys (en terme de rareté, du moins): un dram « cask strength » de Kininvie, 17 ans, vieilli dans d’ex-fûts de porto. Quelques mots sur ce whisky? Il sent très intensément la planche de chêne brûlée et le gâteau aux fruits. Le fruité est très puissant, marqué par des fraises de l’Ile d’Orléans et une touche de farine. Très riche. En bouche, le porto plus intense que tout ce que j’aie pu goûter à ce jour dans un whisky. Extraordinairement puissant. Avec la force de frappe marketing de William Grant & Sons, il est étonnant que ce whisky ne soit pas embouteillé en tant que single malt. Un des meilleurs Speyside que j’aie goûté à ce jour!

Ensuite, les routes n’étant pas praticables, j’en ai profité pour faire le tour de la ville. A quelques minutes à pied de Glenfiddich est le château Balvenie. Un superbe château médiéval assez bien conservé qui m’a fait réaliser à quel point la vie devait être difficile à cette époque (surtout en kilt, avec de la neige à mi-cuisse comme avant-hier!). A souligner aussi, le coup de vue imprenable de cette colline sur 5 distilleries à la fois! (Glenfidich, Balvenie, Kininvie, Glendullan et Parkmore).

Considérant que l’ensemble du Canada ne compte qu’une seule distillerie de whisky single malt, il est assez épatant de pouvoir en visiter 7 en moins d’une heure de marche, de mon point de départ à l’arrivée!
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Évidemment, ce petit tour m’a pris un peu plus qu’une heure… Premièrement à cause que j’ai sorti un véhicule de la distillerie Glendullan du banc de neige… J’ai donc donné à ces charmants messieurs un petit cours sur « comment pousser un camion pris sur la glace » et surtout qu’il ne sert à rien de pousser avant de pelleter le mètre de neige qui est devant le véhicule!

De retour au village, j’ai fait un petit arrêt au plus écossais des pubs, le Royal Oak. Un arrêt obligatoire après la visite des distilleries! La propriétaire, la charmante Pearl, m’A offer l’un de ses 140 single malts ainsi qu’un délicieux « toastie », un genre de croque-monsieur à l’anglaise! Le tout vous fera oublier que la seule source de chauffage est un tout petit foyer qui ne dégage pas assez de chaleur pour vous permettre d’enlever votre manteau, même si vous êtes assis directement à coté, mais qui permet à la bière en fut non réfrigérée d’être à la température parfaite!

J’ai terminé la journée en prenant une couple de drams avec mon hôte (pour les curieux, Balvenie 30 ans et Glenfiddich 30 ans!). Encore merci à Ian de Glenfiddich pour m’avoir offert le refuge lors de cette tempête de neige! Surtout que, la journée de mon départ, le 7 janvier, les toits de 4 entrepôts de la distillerie s’effondraient sous le poids de la neige. Il fut alors décidé de créer un whisky spécial à partir des fûts rescapés des ces entrepôts : le Glenfiddich Snow Phoenix. À ma surprise, au nez, il semble y avoir une touche de fumée, avec un caramel et un fruit mur plutôt agréable. En bouche, une approche épicée-sucrée très agréable, qui évolue vers le raisin caramélisé et qui disparaît en prenant tout son temps. Un très bon scotch!

Un merci tout spécial à Mme Tania Giroux, représentante au Québec pour William Grant et évidemment M.Ian Millar!

Le Kentucky, pays des courses de chevaux, du poulet frit et du Bourbon

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Je suis arrivé à Louisville au Kentucky après un vol de nuit dans 3 avions différents; ce qui dissipa mes derniers doutes quant au fait qu’il ne s’agissait pas d’une destination touristique usuelle au mois de septembre…

J’étais donc un peu fatigué, mais l’excitation de visiter toutes ces distilleries de Bourbon me donnait pas mal d’énergie, comme vous pouvez surement l’imaginer!

Bon, parlant de Bourbon, quelques précisions s’imposent. Premièrement, le Bourbon est un whiskey, tout comme le scotch (mais avec un « e » dans le mot). Il provient généralement (mais pas exclusivement) du Kentucky.
La petite histoire du nom « bourbon » est d’ailleurs passablement alambiquée, si vous me permettez l’expression : En effet, les premières distilleries de whiskies étaient situées dans le canton (county) du nom de Bourbon (nommé ainsi en hommage au soutien de la France lors de la guerre d’indépendance). Leur whiskey était extrêmement populaire à la Nouvelle-Orléans grâce à leur goût si raffiné. En effet, pour être exporté vers le reste du monde, le whisky voyageait le long de la rivière Mississipi durant plusieurs mois. Et pour faciliter le transport, il était « emballé » dans des fûts neufs de chêne américain, marqués « Bourbon County ». Le vieillissement faisait donc son œuvre (le whisky but à cette époque n’était habituellement pas vieilli). Aussi, de tous les whiskies provenant à la Nouvelle Orléans, les whiskeys du conté de Bourbon étaient les seuls dont l’eau était filtrée par des pierres calcaires, ce qui faisait disparaître le goût de métal des autres whiskeys. Les consommateurs de la Nouvelle-Orléans, impressionnés par ce goût, finirent par réclamer plus de cet excellent « Bourbon’s sippin’whiskey ». Et le nom est ainsi passé à l’histoire…

De plus, le Bourbon doit toujours contenir un minimum de 51% de maïs. Il peut donc aussi contenir de l’orge, du seigle, du blé ou d’autres céréales. Aussi, il doit toujours être vieilli dans des futs de chêne neufs, brûlés, et ce au grand plaisir des écossais! (qui les récupèrent pour faire vieillir leur scotch!).

Ces whiskeys sont vieillis pour un minimum de 2 ans (contrairement à 3 ans en Écosse) et rarement plus de 12 ans. Il ne faut toutefois pas se baser sur cette donnée pour statuer que le scotch est de meilleure qualité que le Bourbon. En effet le Bourbon vieillit beaucoup plus rapidement que le scotch pour 2 principales raisons. Premièrement, à cause des températures beaucoup plus extrêmes au Kentucky qu’en Écosse. Deuxièmement, car les fûts neufs utilisés accélèrent échanges avec le bois.

Les Distilleries

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Je me suis donc dirigé vers la distillerie de Woodford, localisée dans la lointaine banlieue de Frankfort, la capitale de l’état. Moi qui m’attendais à une autre ville américaine sans personnalité, j’ai été bien surpris! Quelle ville superbe! Il y a énormément de vieux bâtiments, l’architecture est très belle et le site est enchanteur.

Pour atteindre la distillerie, il faut un sens de l’orientation exemplaire. En effet, la seule voie reliant la distillerie au reste du monde est une petite route d’une seule voie de large (qui ne « rencontre » pas) dont de grands bouts commencent à s’affaisser dans la rivière qu’elle longe. Un peu inquiétant, pour le moins! Les gens du Kentucky paient moins de taxes que nous, et ça parait sur les routes!

Ensuite, j’ai fini par croiser les ruines d’une superbe distillerie qui a dû être fermée il y a plus de 40 ans vu l’état de décrépitude avancée du bâtiment qui était certainement majestueux à l’époque avec sa forme de château médiéval. Charmant, mais pas rassurant!

Woodford Reserve Distillery

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J’ai quand même fini par arriver à la distillerie, qui est situé sur un site véritablement enchanteur! Le pavillon d’accueil offre une excellente présentation sur le mode de fabrication de ce whisky, et ce whiskey a la particularité d’être le seul Bourbon à utiliser exclusivement des pots still (3, comme en Irlande).


Le bourbon Woodford Reserve

Quelques données au sujet de ce Bourbon

  • Contient 72 % de maïs non sucré, 18% de seigle et 10% d’orge
  • Au moins 6-7 ans d’âge
  • 45% d’alcool

Mes notes de dégustation :
Nez: Raisins brûlés, cassonade, épices, seigle. Chêne. Goût: Plutôt sec. Épices. Un peu d’amertume venant du bois fumé en finale. Vanille. Notes d’agrumes. Finale : Délicieuse. Épices et légère amertume. Commentaire global: Excellent whisky, un peu moins sucré que la plupart des bourbons, ce qui fait mon bonheur personnellement.


Four Roses Distillery

Enfin, après un tout petit verre de dégustation à Woodford, j’ai repris la route en direction de l’énigmatique distillerie Four Roses. En effet, cette distillerie exporte 99% de sa production en Europe et en Asie, ne gardant qu’un maigre 1% pour le marché local (cette situation est présentement en train de changer… Surveillez bien quebecwhisky.com d’ici 12 mois à ce sujet!).

Les bâtiments abritant la distillerie sont extraordinaires. Ils ressemblent à de vieilles maisons mexicaines, peintes en jaune et couvertes de roses. On est loin des bâtiments industriels en tôle ondulée que je m’attendais à découvrir.

J’y ai eu droit à une visite privée très particulière : 3 guides s’occupant exclusivement de moi, dont Al Young, le Brand Amabassador.

Lors de cette tournée, j’ai eu la chance unique de pouvoir goûter au whiskey à différentes étapes de sa fabrication, soit à la sortie de l’alambic à colonne (impressionnant avec ses 5 étages de haut!) et du pot still!! (la plupart des Bourbons subissent habituellement une double distillation : la 1ère dans un alambic à colonne, et la seconde dans un pot still de type écossais).

La chaleur dans le bâtiment où a lieu la distillation est tout simplement infernale. Pour vous donner une idée, j’ai ensuite trouvé le 35C à l’extérieur très rafraichissant comparativement au four qu’est la distillerie!


Four Roses Single Barrel

Quelques données au sujet de ce whisky :

  • 6 ans de vieillissement minimum, jusqu’au double pour les meilleurs (comme le single barrel)
  • Les entrepôts servant au vieillissement n’ont qu’un seul étage, contrairement à la plupart des distilleries où ils mesurent 7 à 8 étages de haut. Ceci permet donc d’uniformiser le goût d’un baril à l’autre car dans un bâtiment plus haut, la température n’est pas la même selon les étages
  • Ce whisky est composé en général de maïs à 60%, seigle à 35% et le malt compose le 5% restant
  • 50% d’alcool

Mes notes de dégustation :
Nez: riche, épices de gâteau aux fruits, vanille. Goût: sucre de fruits (mûres), chene, vanille. Finale: fruité, légère épice, vanille. Commentaire : Côté 92 dans la Bible du Whisky, non sans raison. Ce Bourbon est de la première qualité!


En soirée, le centre-ville de Louisville a tout ce qu’on attend d’une ville américaine typique construite en fonction des banlieusard pressés de rentrer à la maison: il est complètement désert. Complètement? À une spectaculaire exception près: la 4th Street. En effet, la rue est transformée en gigantesque bar (vous devez même prouver que vous avez plus de 21 ans pour y circuler), la musique est à tue-tête à l’extérieur, la rue est éclairée par des centaines de néons et de spots, et le tout est recouvert d’une toiture géante fixée au 7ème étage (on est loin de l’ancien Mail St-Roch à Québec!).

En fait, on y retrouve 7-8 bars de musique (surtout des chaînes internationales, telles que le Hard Rock Café), des restos branchés et des kiosques de boissons énergies dans le milieu de la chaussée, piétonne, bien entendu! Le tout est sur 2 étages, accessibles par de nombreux escalators extérieurs qui donnent sur la rue.

Ainsi, après quelques délicieux bourbons et une bonne nuit de sommeil (malgré tout), je me suis dirigé vers ma 1ère distillerie de cette journée, Heaven Hill.

Heaven Hill Distillery

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En arrivant sur le site de la distillerie, l’architecture industrielle des bâtiments est frappante. Ce style est principalement dû au fait que le feu, en 1996, a détruit la distillerie ainsi que 2 des entrepôts. Il faut dire que lorsqu’un incendie se déclare dans une distillerie, la seule chose à faire est d’espérer que les voisins n’y passeront pas aussi!!! Le nouveau bâtiment principal est malheureseument hors limite aux visiteurs, mais on ne peut pas dire que ces derniers sont portés à s’y diriger!

La visite était passablement plus courte que les précédentes, compte tenu que nous n’avons visité que les entrepôts (où l’odeur qui y règne, due à la « part des anges » (l’évaporation du whisky) est vraiment délicieuse et enivrante).

Parlant de part des anges, nous avons vu un baril de 1971. Sur les 53 gallons qu’il contenait à l’origine, il n’en reste plus qu’un seul! En fait, à titre de comparaison, un fût de bourbon de 12 ans d’âge de Bourbon aura généralement perdu 47 % de son volume. Ca rends les prix des vieux whiskies beaucoup plus acceptables!!!

Au cours de mes différentes visites de distilleries, j’ai souvent eu la chance de participer à différentes étapes de la fabrication d’un whiskey. Pour la première fois, j’ai pu occuper le poste habituellement réservé aux anges!!! En effet, nous avons pu sentir directement dans un fût en cours de vieillissement. Les odeurs en émanant étaient fantastiques : Très sucrées avec un fort caramel et du maïs. Une expérience paradisiaque, il va sans dire!

Les entrepôts sur le site de la distillerie mesurent plus de 8 étages de haut. Ces bâtiments sont tellement gigantesques que des employés ont récemment retrouvés un baril de 23 ans d’âge qui y avait été perdu durant de nombreuses années. Belle surprise!

En été, les fenêtres des entrepôts sont gardées ouvertes au rez-de-chaussée et au dernier étage afin de permettre au whisky de prendre de l’expansion en se réchauffant dans les fûts et ainsi de pénétrer le bois. En hiver, à l’inverse, le froid fait que ce processus s’inverse, ce qui contribue à accélérer de façon notable le processus de vieillissement de ce whiskey. A noter, à cause des grands écarts de température que connaît le Kentucky, le vieillissement s’y accomplit environ 50% plus rapidement qu’en Écosse. En effet, les températures y varient entre -15C et +40C, soit un écart de presque 60C, alors qu’en Écosse la température variera plutôt entre 0C et 30C, soit la moitié de l’écarts de température constaté au Kentucky.

Bref, la visite est très sommaire, mais le centre d’interprétation est très instructif. Nous y apprenons énormément sur l’histoire du whisky, comme le fait que les colons qui choisissaient de s’établir au Kentucky se faisaient offrir 400 acres de terre. Pour les nombreux Irlandais et Écossais parmi les immigrants de l’époque, c’était un cadeau inespéré. Et évidemment, on peut deviner qu’ils ont apportés avec eux quelques souvenirs des vieux pays, comme la joie de la distillation des produits céréaliers.

Nous y avons aussi appris que la technique d’utilisation de fûts carbonisés a été découverte par accident à la distillerie Heaven Hill, qui est considéré comme le père spirituel du Bourbon. En effet, des barils avaient été brûlés par accident. Le propriétaire de l’époque, Elijah Craig, qui ne voulait pas perdre cet investissement, les a quand même utilisés. A sa grande surprise, ses clients se sont mis à réclamer de cet excellent whiskey, dont le goût avait été adouci par le bois carbonisé des barriques.

Enfin, pour se faire pardonner semble-t-il (!), notre guide nous a offert une dégustation où nous avons comparés des bourbons âgés de 10 et 18 ans d’âge, ce qui est fort respectable pour un Bourbon!


Elijah Craig Single Barrel 18 years old

Quelques données au sujet de ce Bourbon

  • Contient 70 à 78 % de maïs
  • Au moins 18 ans d’âge
  • Ce Single Barrel provient d’un baril qui a été entreposé au dernier étage de l’entrepôt, mis en fût le 28 septembre 1989, fût no. 2340.
  • 45% d’alcool

Mes notes de dégustation :
Nez:. Superbe, ample, fin. Épicé (cannelle), fruité (pomme), floral et vanillé. Goût: Ronde, notes de miel et de chocolat. Épices douces. Chêne brûlé. Finale : Douce amère, boisée, marquée par la réglisse et la vanille. Boisée et sucrée (maïs?) Commentaire global: Vieillissement exemplaire! Si vous pensez que les bourbons sont inférieurs aux scotchs, c’est que vous n’avez pas essayé ce whiskey! Ce whiskey à lui seul vaut presque le voyage!


Maker’s Mark Distillery

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Je crois que nous pourrions ajouter une condition pour rendre un whiskey éligible à être nommé « Bourbon »: Il faut que la distillerie soit au milieu de nulle part. Des points bonus seraient accordés si aucune route ne s’y rends! Tout ca pour dire que lorsque je suis arrivé à Maker’s Mark, on m’a dit que la visite y était très appréciée, car on reconnaissait que ca prenait beaucoup de volonté pour s’y rendre!

En fait, l’une des principale raison pour que la quasi-totalité des distilleries américaines de whiskey soient concentrées au Kentucky et au Tennessee est dû à la qualité de l’eau de source qu’on y retrouve: elle y est abondante et surtout calcaire grâce à la pierre sur laquelle ces 2 États se sont construits.

Ici encore, j’ai eu la chance de goûter le whiskey dans ses premières étapes de fabrication. J’ai pu goûter le « mash » (en gros, la « bière du distillateur » que l’on va distiller pour avoir du whiskey) à chacune de ses 3 journées d’évolution. Et il s’agit réellement d’une évolution:

Jour 1, c’est un liquide froid très léger qui goûte très légèrement les céréales;
Jour 2, le liquide est toujours relativement froid, mais il est maintenant très sucré;
Jour 3, le mash est rendu tiède (et ceci sans aucun chauffage; la chaleur ressentie provient exclusivement des réactions chimiques) et goûte « sûre ». D’où l’expression « sour mash » que l’on retrouve sur de nombreuses bouteilles. A noter que ce goût acidulé et aigre différencie les Bourbons des Scotchs écossais dont le mash est plutôt sucré au goût.

Nous avons ensuite visité la salle des alambics. Il est difficile d’imaginer la chaleur torride et l’humidité qui règne dans cette salle. Compte tenu que ma saison préférée est l’hiver, je ne m’y suis pas éternisé plus longtemps qu’il fallait!

A Maker’s Mark, tout comme dans la plupart des distilleries de Bourbon, la majeure partie des opérations sont effectuées à la main. Et pour remercier mes hôtes pour leur hospitalité, je ne me suis pas fait prier pour mettre la main à la pâte!

Enfin, les fûts de Maker’s Mark sont entreposés jusqu’à sept ans. A noter qu’après trois ans dans les étages supérieurs de l’entrepôt, les fûts sont déplacés à tous les 2 ans et 9 mois à différents endroits de l’entrepôt, le tout à la main! Quand on pense que le poids moyen d’un fût est d’au moins 500 livres, les employés ne doivent pas être chétifs!


le bourbon Maker’s Mark

Quelques données au sujet de ce Bourbon

  • Contient 70 % de maïs, 14% d’orge malté et 16% de blé rouge d’hiver. Le blé rouge d’hiver est ce qui le rend unique.
  • Au moins 6-7 ans d’âge
  • 45% d’alcool

Mes notes de dégustation :
Nez: Cassonade, vanille, fruits exotiques et miel. Malt, noix, huileux (extrêmement frais et fruité). Goût: Beurre, sucre, vanille, caramel anglais, réglisse, un peu d’épices. Fruité, goût marqué de blé. Finale : Goût sec, avec du caramel anglais, et du chêne. Commentaire global: Idéal pour une promenade, une chaude nuit d’été, sur Bourbon Street à la Nouvelle Orléans!!!


En conclusion

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Petite anecdote intéressante, ma guide chez Maker’s Mark avait déjà visité le Québec il y a quelques années… Et elle m’a dit qu’elle était impressionnée par la grande qualité de nos routes! Il faut comprendre que le Kentucky est un fief Républicain depuis plusieurs générations et que leur façon de gagner les élections est simple: ils promettent de geler les taxes! Ainsi, l’État ayant pratiquement vu ses revenus gelés depuis des décennies, il ne faut pas s’étonner que certaines routes soient littéralement en train de partir à la dérive.

Donc, en résumé, le Kentucky avait beaucoup plus à offrir que je m’y attendais Les paysages un peu monotones sont contrebalancés par une superbe architecture, une histoire relativement riche et une culture épanouie, du moins dans les grands centres. Il ne faut pas oublier la spectaculaire fracture entre les gens des villes modernes et ceux des campagnes, où le temps semble s’être arrêté. Mais partout et surtout, les gens y sont très sympathiques et chaleureux.

Entrevue avec Alistair Walker, Ambassadeur Mondial des distilleries BenRiach et GlenDronach

Entrevue avec Alistair Walker, Ambassadeur Mondial des distilleries BenRiach et GlenDronach, par Fred Laroche, membre du Club de Whisky de Québec.

Traduction de l’entrevue qui s’est déroulée en anglais.


Fred Laroche – Club de Scotch Whisky de Québec: Bonsoir Alistair, comment vas-tu?

Alistair Walker – Benriach / Glendronach: Ça va merci!

FL: C’est ta première fois à Québec n’est-ce pas? Comment t’y sens-tu jusqu’à présent?

AW: En effet, je suis passé à Montréal il y a deux ans et c’était ma toute première fois au Québec mais aujourd’hui est ma première visite dans la Capitale. J’aime beaucoup la ville. On m’a dit que ça aurait l’air très Européen et je trouve que ça ressemble beaucoup à Édimbourg ici, c’est une très belle ville, très attirante.

FL: Très bien. Pour commencer, j’aimerais que tu me parles des whiskies que nous allons déguster ce soir.

AW: D’accord. Tout d’abord, les whiskies que nous allons avoir ce soir ont été sélectionnés sur la base de la disponibilité locale en SAQ. Pour une petite distillerie comme nous, c’est déjà assez remarquable d’avoir une assez grande sélection pour baser une dégustation sur la disponibilité de nos produits localement. Cela dit, nous allons commencer par deux produits de Benriach. Le premier sera le Benriach 20 ans, qui est un whisky assez âgé. Bien que cela puisse paraître étrange de commencer avec un vieux whisky, nous basons nos dégustations sur le style du whisky et je crois que le 20 ans est ce qui se rapproche le plus du style traditionnel des whiskies du Speyside. C’est un gros whisky mais il n’a aucune agressivité. Le second de la soirée sera l’un de la série de finitions en spéciales que nous faisons. Je parle du Benriach 15 ans Tawny Port. Ce whisky termine sa maturation en fûts de porto et il est un bel exemple des expérimentations que nous faisons dans l’entrepôt numéro 30. Les 2 whiskies suivants proviennent de notre récente acquisition, la distillerie Glendronach, que nous avons acheté en 2008. Nous allons déguster le 12 ans, qui est le porteur de drapeau pour Glendronach. Ça fait très longtemps que ce whisky est disponible au Canada et ça a été un des premiers à être vendu sous l’appellation Single Malt dans les années 1860. Nous allons ensuite avoir le 15 ans, qui est une nouvelle expression que nous avons commencé à embouteiller lorsque nous avons acheté la distillerie. La différence entre les deux est que le 12 ans subit une maturation en fûts de bourbons et une finition en fûts de Xéres alors que le 15 ans passe toute sa maturation en fûts de xéres de premier remplissage. Cela lui donne une complexité très appréciable. Les deux derniers whiskies que nous allons déguster sont des Benriach. Ceux-ci sont assez particuliers puisqu’ils sont parmi les rares whiskies du Speyside à être lourdement tourbés. Le premier des deux est un whisky de 10 ans, vieilli en fût de Bourbon, il se nomme Curiositas. Le second fait également parti de nos expressions ayant subit une finition spéciale, il s’agit du Aromaticus Fumosus, qui termine sa maturation en fûts de rhum noir.

FL: Comme tu l’as dit, c’est assez inhabituel de voir un whisky du Speyside être aussi tourbé. Personnellement, ça m’a fait redécouvrir Benriach puisque ma première expérience de ce whisky me le rappelaient comme étant très sucré et très « normal » pour un Speyside. Je suis donc très surpris de voir que vous avez poussé l’expérimentation dans ce sens. Je me demande donc s’il y a eu des occasions où vous n’avez pas obtenu les résultats escomptés ou alors où vous avez été agréablement surpris.

AW: Eh bien, je dis toujours en blague que toutes nos ratées sont vendues aux embouteilleurs indépendants… mais bien sûre, je blague (rires). A vrai dire, une grosse partie de l’expérimentation était déjà faite lorsque nous avons acheté la distillerie. Nous n’en sommes propriétaires que depuis 2004 et une grande partie de l’inventaire à notre acquisition avait déjà été distillée en utilisant du malt tourbé. Tu vois, avant nous, Benriach appartenait à Chivas, et à chaque fois que Chivas avait envie de faire une expérience avec sa recette, il semble qu’il faisait toujours cette expérience à la distillerie de Benriach. Le whisky tourbé chez Benriach est né du besoin d’avoir un produit tourbé pour certains mélanges. Au lieu de l’acheter dans une autre distillerie, ils ont décidé de le faire chez Benriach puisque la distillerie avait se propre surfaces de maltage. Une autre chose que Chivas a fait à la fin des années 90 avec quoi nous allons très prochainement lancer un nouveau produit, c’est qu’ils ont installé un alambic supplémentaire dans la distillerie à un certain point pour faire un spiritueux à triple distillation. Ils n’en n’ont fait qu’une seule fois mais en très grande quantité. Nous ne savons pas pourquoi ils ont fait ça puisqu’ils ne s’en sont jamais servi mais il date de 1998 et nous allons le lancé sous le nom de Benriach Horizons, à 50% d’alcool, 12 ans d’âge. Ce sera le premier whisky à triple distillation chez Benriach. En ce qui concerne les expérimentations, je suis conscient qu’il est important de faire très attention avec ça parce qu’un whisky prend de la valeur à son âge seul, si on lui apporte une finition en barrique et que ça en réduit la qualité, eh bien c’est difficile de corriger le tir après ça!

FL: Tu dois balancer ton travail entre Benriach et Glendronach. Comment parviens-tu à répondre aux besoins des marchés respectifs des deux distilleries?

AW: C’est assez difficile en fait. Je vais t’avouer que mon cœur penche un peu vers Benriach parce que c’est avec cette distillerie que nous avons commencé. Nous travaillions déjà avec Benriach depuis 4 ans avant que l’offre pour Glendronach ne soit déposée. Nous essayons vraiment de partager nos effectifs à parts égales entre les deux compagnies. Ce qui rend les choses difficile est que Glendronach est un whisky qui est beaucoup plus facile à vendre puisqu’il avait déjà une très bonne réputation dans la plupart des marchés d’exportation. Lorsque nous avons acheté Benriach, c’était très difficile à vendre parce qu’il n’y avait qu’un seul embouteillage qui avait été fait et c’était un vieil embouteillage de 10 ans. En revanche, ce qui est bien avec Benriach, est que nous avions à notre disposition toute cette variété de whisky alors que personne n’avait la moindre attente alors nous avions tout pour prendre les gens par surprise. Avec Glendronach, il y avait cette attente que ça doit subir une maturation en fûts de Xérès.

FL: Parlons de géographie. Je trouve que le Glendronach 12 ans est très particulier avec sa finale très sèche et saline pour un whisky du Speyside. Ce n’est définitivement pas le cas avec Benriach. Est-ce que tu crois que la localisation a quelque chose à voir là-dedans?

AW: Je ne crois pas que la localisation soit vraiment importante aujourd’hui puisque tu peux maintenant faire du whisky hautement tourbé en plein speyside. Il y a même des barrières traditionnelles qui sont tombées, des tabous, en quelques sortes! Une chose que je voudrais cependant dire, et je vais revenir à Glendronach ensuite, c’est que, lorsque nous faisons du whisky tourbé avec Benriach, nous prenons soin de se procurer de la tourbe qui vient du nord-est de l’Écosse, là où la distillerie est localisée. Je crois que c’est important de conserver cet aspect unique qui vient effectivement de la géographie. En ce qui concerne Glendronach maintenant, nous utilisons la même orge pour les deux distilleries. Les sources d’eau des deux distilleries sont très similaires. Les deux proviennent de sources sous-terraines avec une très haute teneur en minéraux. À partir de là, la différence est dans le vieillissement, principalement. Pour Glendronach, nous choisissons des fûts de chêne européen de très haute qualité puisque nous avons une réputation à respecter.

FL: Vu ton expérience relativement courte dans le monde du whisky, quels sont les territoires les plus surprenants pour toi de faire affaire avec eux?

AW: Oh, il y en a plusieurs. J’ai été très surpris d’apprendre que nous vendions beaucoup de whisky au kasakstan. Je n’aurais jamais cru que c’était un endroit propice pour le marché du Whisky. Pourtant, c’est un endroit avec beaucoup de mineurs, qui ont les moyens de se payer du whisky. Puisque le whisky est un produit qui stimule les aspirations, c’est souvent un produit auquel ces gens pensent quand ils se tournent vers l’occident. Il y a la Russie aussi. J’ai fait une dégustation là-bas, à Sochi, où se tiendront les jeux olympiques de 2014. Nous avons même fait la dégustation directement sur la plage là-bas, en plein été.

FL: Est-ce que ces visites te donnent du fil à retordre côté langage?

AW: En règle générale, pas mal tous les endroits que nous visitons sont à l’aise avec l’anglais. Il y a quelques exceptions où nous avons recours à un traducteur et ça devient extrêmement difficile de faire une dégustation quand le rythme se fait constamment briser par la traduction. Je ne vais pas souvent au Japon mais, à ma connaissance, on a souvent besoin d’un traducteur là-bas aussi. À part de ça, je te dirais que j’ai l’impression que tout ceux qui ont développé un goût pour le whisky savent également comprendre le vocabulaire qui s’y rattache en anglais.

FL: Tu fais des dégustations en privée comme celle avec nous ce soir mais il y a aussi des gens qui se rendent sur place pour déguster à la distillerie. Comment cela se passe-t-il dans le cas de Benriach et Glendronach?

AW: En fait, seule Glendronach est vraiment ouverte au public. Je ne suis pas directement impliqué dans les visites et les dégustations à la distillerie. Cependant, je sais que ce n’est pas exactement une tâche facile d’attirer les gens chez Glendronach parce que la distillerie n’est pas sur les chemins le plus populaires de l’Écosse et qu’il s’agit d’un détour, peu importe d’où tu arrives ou vers où tu te diriges. Il y a tout de même des gens qui viennent, parfois ne ce serait-ce que pour tuer le temps pendant une heure, ou alors dépenser plusieurs milliers d’Euros dans la boutique de la distillerie! Il y en a vraiment de toutes les sortes. En ce qui concerne Benriach, ça fonctionne un peu différemment parce que la distillerie n’est pas ouverte au public. Il y a une demande pour ça et nous organisons quelques visites privées mais c’est réellement du cas par cas. C’est une activité très prisée des clubs de Whisky à travers le monde et c’est le genre de foule que nous aimons attirer.

FL: J’aimerais terminer en apprenant un peu quel genre de whisky tu aimes boire. Est-ce que tu en as un en particulier que tu préfères?

AW: Je ne sais pas s’il y en a un seul que je préfère. Il y en a plusieurs que je trouve excellents et dont je ne refuse jamais un verre. Par exemple, je crois que Balvenie fait un excellent whisky et représente vraiment bien le meilleur de ce que le Speyside a à offrir. Pour mois, les whiskies tourbés sont des whiskies d’hiver. Je les aime du début de novembre jusqu’à la fin de février. J’adore le Lagavulin 16 ans et à peu près tout ce que Coal Ila a produit. En ce qui attrait nos propres whiskies, le Benriach 16 ans est celui que je rapporte le plus souvent à la maison. Ce n’est pas le plus dispendieux de notre ligne mais c’est celui que je préfère.

FL: D’accord, merci pour ton temps et bonne soirée parmi nous!

AW: Merci à vous et merci de supporter nos produits!

Entrevue avec Jim McEwan, Master Distiller chez Bruichladdich

Entrevue avec Jim McEwan, Master Distiller chez Bruichladdich, par Fred Laroche, membre du Club de Whisky de Québec.

Traduction de l’entrevue qui s’est déroulée en anglais.


Fred Laroche – Club de Whisky de Québec: Bonjour Jim, comment ça va?

Jim McEwan – Bruichladdich: Ça va très bien, merci.

FL: Excellent. La première chose dont j’aimerais parler avec toi, c’est la dégustation d’hier. Si ça ne t’ennuie pas trop, j’aimerais que tu me parles des produits que nous avons dégustés en donnant ton impression sur chacun par rapport à ce que tu espérais réaliser. Commençons donc par le Bruichladdich Organic.

JMc: Avec le Bruichladdich Organic, ce que je comptais faire, c’était de permettre aux gens de réaliser qu’il y a une différence significative entre le whisky produit à partir d’orge organique par rapport à du whisky produit à partir d’orge régulier. La texture du spiritueux et la saveur du malt sont définitivement plus apparentes. Nous sommes le plus gros fabriquant de whisky organique en Écosse, même s’il n’y en a que deux, soient Bruichladdich et une compagnie du nom de Gordon & MacPhail. Même si le produit est plus dispendieux à l’achat, j’estime que c’est justifié puisque c’est pratiquement deux fois plus dispendieux de s’approvisionner en matière première organique. La culture d’orge organique est contrôlée de façon très stricte en Écosse. C’est un whisky qui est plutôt jeune mais, comme je le dis souvent, c’est un peu comme voir grandir un enfant, même s’il est jeune, il est facile de réaliser qu’il a du potentiel.

FL: L’enfant n’a pas besoin d’être très âgé pour réaliser qu’il s’agit d’un prodige…

JMc: Exactement, voilà une façon très juste de le dire. On regarde ses enfants grandir et on est capable de comprendre d’où ils partent et le potentiel qu’ils ont. Puisque le whisky n’a pas passé beaucoup de temps dans le fût, d’ailleurs il est question de fût de chêne américain ici, le chêne n’a pas eu le temps d’avoir une très grande influence sur le whisky. Ce sont encore les saveurs du malt et le côté fruité du spiritueux, choses que tu n’aurais pas nécessairement à 12 ans. Voilà pourquoi il est intéressant d’essayer des whiskies plus jeunes. Tu en retires le fruit de la distillation, avant même que le chêne ne s’en mêle. C’est donc une très bonne expérience à faire.

FL: Poursuivons donc avec le Bruichladdich Waves, que nous avons goûté en deuxième.

JMc: Eh bien, ce n’est pas tout le monde qui aime la tourbe. Je viens de la capitale de la tourbe moi-même et je me limite toujours à 2 ou 3 verres de whiskies tourbés dans une dégustation parce que je ne suis pas vraiment du type à boire des whiskies hautement tourbés pendant toute une soirée. Il y a beaucoup de gens comme ça. Waves est un whisky qui est beaucoup fruité et il est plutôt jeune. Nous y avons incorporé certains whiskies plus vieux pour lui apporter une dimension plus mature. J’ai d’abord fait vieillir le whisky dans des fûts de chêne américain pour lui donner cette charmante saveur de crème brûlée et de sucre brun. Ensuite, j’ai utilisé des fûts de vin de Syrah Héritage pour une courte durée pour lui donner des arômes de fruits rouges. Finalement, j’ai ajouté du whisky Port Charlotte pour lui donner un élément de tourbe. J’ai essayé d’atteindre plusieurs buts avec ce produit et l’un d’entre eux était de pouvoir offrir un produit aux gens qui aiment les whiskies légèrement tourbés. Il est très bon après le souper. Il est très bon à déguster comme ça au bar. Ce qui le rend unique, c’est qu’il n’y a pas vraiment de whiskies moyennement tourbés sur Islay. C’est tout ou rien. Je crois que ce n’est pas nécessaire de sauter directement du haut de la clôture vers la piscine, il y a ceux qui aiment s’y tremper à leur rythme. C’est donc une bonne expérience pour une initiation à la tourbe.

FL: Nous avons ensuite eu le Bruichladdich 1998 Oloroso Finish.

JMc: C’est un whisky vieilli en fût d’un vin de xérès appelé Palo Cortado. C’est un vin de xérès de type intermédiaire, pas trop lourd. Les Oloroso trop lourds ont tendance à dominer le whisky. L’année 1998 était une année pendant laquelle la distillerie n’a opéré que pendant 2 semaines alors que je n’étais pas encore dans le décor. Je suis arrivé en 2000. J’étais très heureux d’apprendre que les gens de Bruichladdich à cette époque avait conservé du whisky et l’avait mis dans ces fûts puisque ça fonctionne très bien. Nous avons donc le mariage entre une production de malt très rare et des fûts qui sont également rares puisque les fûts de Palo Cortado ne courent pas les rues! Tu obtiens donc toutes les magnifiques saveurs du xérès comme la prune, les dates, la sultane… Tu as aussi une belle présence de chêne parce que les fûts de xérès sont faits avec des planches très épaisses. Tu obtiens donc un whisky de 12 ans qui semble beaucoup plus mature puisque le xérès l’adoucie et on y trouve une très forte présence de chêne. C’est très facile à boire mais en même temps, le caractère du malt est très vif puisqu’en bout de ligne, il est question d’un whisky de 12 ans. J’aimerais ajouter que les whiskies vieillis en fût de xérès n’aiment pas l’eau. Quand tu ajoutes de l’eau à un whisky qui sort d’un fût de xérès, c’est un peu comme si tu crevais un pneu, tout s’envole et ce qui te reste est à plat. C’est une réaction très étrange. Si vous dégustez un Bruichladdich provenant d’un fût de xérès, laissez-lui le temps de s’ouvrir, ne le forcez pas avec de l’eau. C’est mon conseil pour les gens qui goûteront au Bruichladdich 1998 Oloroso Finish.

FL: Ensuite nous avons eu une excellente bouteille, le Bruicladdich Legacy V – 33 ans…

JMc: Eh bien, c’était un très beau geste de la part de Wayne [Barr], membre du club de scotch [Club de whisky de Québec], que d’apporter cette bouteille. Wayne a visité la distillerie et a fait ce que nous appelons l’  » Académie Bruichladdich  ». Il aime beaucoup Bruichladdich et il est venu passer une semaine avec nous pour fabriquer du whisky. Il avait acheté cette bouteille et il l’a emmené à la dégustation pour la partager avec le club, chose que je trouve très généreuse. Toutes ces bouteilles sont déjà écoulées. Ce sont les collectionneurs qui les ont maintenant et ça vaut plusieurs centaines de dollars. Il s’agit d’un mélange de whisky de l’année 1968 vieilli en fûts de bourbon, de 1970 également vieilli en fûts de bourbon et de whisky de 1972, qui lui était vieilli en fût de xérès. Le Legacy V a été embouteillé à 40,7% d’alcool par volume. Si nous avions attendu six mois de plus, nous n’aurions pas pu le vendre puisque le produit final aurait descendu en dessous de la limite permise de 40%. Nous étions donc très près de le perdre. Par contre, je le suivais de près et je voulais vraiment voir jusqu’où je pouvais l’amener. En lui goûtant, on remarque qu’il est très sophistiqué en bouche. Il n’avait pratiquement pas d’attaque. On aurait pu penser qu’à cet âge, il serait très lourd mais ce n’est pas le cas. C’est principalement dû au rôle des fûts de bourbon puisque, s’il avait s’agit de fût de xérès exclusivement, l’influence du chêne aurait été démesurée. J’adore ce whisky. C’est un whisky très dangereux. Tu pourrais boire une bouteille entière sans t’en rendre compte tellement il descend bien et qu’il n’a pratiquement pas d’attaque. C’est définitivement un whisky de fin de soirée ou alors une bouteille à partager entre amis. Plus spécifiquement des amis qui s’y connaissent et qui savent apprécier le bon whisky car ce n’est pas une bouteille qu’il faut gaspiller. C’est l’essence même du Single Malt, on l’apprécie davantage quand on le partage avec d’autres qui savent l’apprécier. C’était un plaisir pour moi de le partager avec vous.

FL: En ce qui me concerne, j’ai trouvé qu’il était excessivement séduisant au nez. Je me retenais de le goûter parce que je ne pouvais m’arrêter de le sentir!

JMc: Il était tout en douceur et en subtilité. Tu vois, nous venions de goûter des whiskies très jeunes et nous passions à un autre extrême qui avait plus de 30 ans d’âge. C’est donc très différent. Au nez, c’était magnifique. Normalement, à cet âge, on aurait pu s’attendre à ce que le chêne domine mais le fruit était encore pourtant très présent. C’est un peu comme ces vieillards que l’on voit se promener les épaules basses alors que parfois on voit un homme de 70 ans ou plus qui est encore bien en vie et plein de vigueur. Ce whisky est encore plein de vie! Cela est entièrement dû au fait que les fûts utilisés étaient de première qualité. Si ça avait été des fûts de troisième ou quatrième remplissage, le whisky ne se serait jamais rendu à ce stade. Ce sont les fûts de très haute qualité qui ont permis au whisky de bien terminer le voyage. En bout de ligne, c’était du malt de bonnes années, dans de très bons fûts, et nous les avons sortis juste à temps!

FL: Ce qui nous amène au Bruichladdich Peat. À moins que je ne me trompe, ceci deviendra une des expressions régulières de Bruichladdich, n’est-ce pas?

JMc: C’est exact. Pour le Peat, j’utilise du Port Charlotte et du Octomore. Octomore est le whisky le plus tourbé du monde à 167 PPM. Il y en a plusieurs qui considéraient le Ardbeg comme étant le plus tourbé avec ses 50 PPM mais ce n’est plus le cas. Nous avons décidé d’expérimenter pour le Octomore. Nous ne savions pas vraiment ce qui allait se passer mais nous étions conscients qu’il y avait de la demande pour de la tourbe. Nous étions très satisfaits du résultat parce que finalement, le goût de tourbe, c’est très bon! Par contre, si tu ne parviens pas à maintenir une bonne couche des saveurs de base du whisky, tout ce qui te reste, c’est la rudesse de la fumée. Alors, ce que tu as, c’est un monstre. Il y a certains goûts de fumée qui sont très rudes et ça ressemble un peu à la fumée d’un cigare de basse qualité. Il aura beau être aussi gros que possible et produire autant de fumée qu’il le peut, il est tout de même de basse qualité. L’idée avec Peat était d’utiliser un mélange des trois spiritueux que je produis, soit le Bruichladdich, le Port Charlotte et le Octomore, pour créer un whisky à 35 PPM de tourbe qui allait maintenir la beauté du fruit comme saveur de base. Nous sommes les distillateurs les plus lents du monde. C’est normal puisque notre équipement est très vieux et que nous ne pouvons pas vraiment nous permettre de le pousser sans risquer de le briser. Nous travaillons lentement et nous en retirons un fruité très naturel. Ce que tu obtiens avec Peat, ce sont de bonnes saveurs de fumée, sur une fondation de saveurs de fruits. C’est un whisky jeune, encore une fois, alors l’influence du bois n’est pas trop présente. Chez Bruichladdich, nous essayons toujours d’apporter un peu de distinction et de subtilités et non seulement que de la fumée. Je crois que nous y sommes parvenus et je l’aime beaucoup, personnellement.

FL: Ce qui nous amène au dernier whisky de la soirée, le Bruichladdich Port Charlotte PC7.

JMc: Port Chalotte était une distillerie située à 1 mile de l’endroit où nous sommes situés. La distillerie a été construite en 1825 et a été fermée en 1925. C’était une très grosse distillerie. Nous possédons ce qu’il reste des bâtiments de cette distillerie. Rebâtir la distillerie comme elle était, à l’endroit où elle était, est un de mes rêves. Il n’y a plus qu’un seul homme encore en vie qui a goûté au Port Charlotte dans le temps. Son nom est Rody et il doit avoir plus de 80 ans. Je lui ai demandé à quoi il ressemblait et il m’a répondu qu’il était très tourbé mais qu’il avait beaucoup de goût, un peu comme Lagavulin. Il m’a dit que c’était parmi les bons whiskies. C’est tout ce que j’avais comme description pour travailler avec! J’ai dû faire plusieurs ébauches et lui faire goûter, ce qui était une lourde tâche à demander à un vieillard de 80 ans qui ne peut même pas se souvenir de son nom! J’en suis donc arrivé au PC5 et les gens l’ont adoré! Dans le livre de Jim Murray, il a reçu 95 points. J’ai conservé la même recette et j’en suis maintenant au PC6, PC7 et PC8! Paul Pacault, un auteur américain, possiblement le meilleur auteur sur le whisky au monde, a récemment donné la note de 95 au PC8 et ça, ça me fait plaisir. Le Port Charlotte obtenait 95 à 5 ans de maturité et il l’obtient encore à 8 ans. J’espère donc que le PC va s’améliorer encore avec la maturité. Le Port Charlotte vieillit en fût de chêne américain exclusivement. J’adore le chêne américain. J’aime les saveurs de crème brûlée et la vanille. Port Charlotte et Octomore sont mes enfants. Je les ai conçus. Je les tiens par la main et je les guide à travers la vie. Bien entendu, je vais bientôt prendre ma retraite, mais quand je vais le faire, je serai capable de laisser aller mes enfants et leur dire : «  allez, continuez à bien grandir  ». Fabriquer du whisky est une chose très émotionnelle puisque tu en retires une grande fierté. Tu veux qu’il soit une réussite comme tu veux que ta famille connaisse la réussite. Quand je regarde Port Charlotte, j’en suis extrêmement fier. Je crois que ça va devenir un grand whisky. Quand Port Charlotte atteindra les 25 ans d’âge, je ne serai probablement plus là. Ce whisky, que j’ai créé il y a 8 ans, dans 17 ans d’ici, alors que je serai au ciel ou en enfer, je veux que les gens se disent:  »Il a fait du bon travail, le bonhomme! ». Donc, lorsque je prendrai ma retraite d’ici un an ou deux, je vais pouvoir le regarder aller et me dire que je n’ai pas si mal fait! Comme tu peux le comprendre, je n’aborde pas cela simplement comme un procédé de fabrication, c’est la vie!

FL: Tu fais beaucoup d’expérimentations avec les fûts et les recettes. Est-ce qu’il y a un certain moment où tu n’as pas obtenu les résultats que tu escomptais avec un whisky?

JMc: C’est arrivé assez souvent en fait, mais nous faisons les expérimentations en petites quantités. De toute évidence, nous ne pouvons pas nous permettre de faire un essai avec une trentaine de fûts et se rendre compte à la fin que nous nous sommes trompés! Nous serions fermés! J’ai un petit atelier dans lequel je fais des expérimentations en mariant différents fûts, en y ajoutant de l’eau et ainsi de suite. Tous les produits que je rends disponibles sont pas mal recherchés en fait. J’ai déjà été mélangeur en chef pour Bowmore et j’ai déjà fabriqué et réparé des barils alors je connais très bien les barils, je les comprends bien. Je sais ce que je fais. Après 47 ans d’expérience, il y aurait un sacré problème si je n’avais pas au moins une idée de ce que je fais. Il y a un jeune homme qui travaille avec moi, du nom d’Allan Logan, et il a un très bon nez, il sait ce qu’il fait et surtout, il aime ça. J’ai pour mon dire que si tu n’aimes pas ça, tu es aussi bien de laisser tomber. Souvent, je regarde les Français avec le vin, la passion qu’ils ont et l’exubérance avec laquelle ils en parlent, et je trouve cela très inspirant. C’est pourquoi j’aime utiliser des fûts de vin de haute qualité. J’essaie de stimuler et d’enseigner cet intérêt chez les plus jeunes qui travaillent avec moi en les invitant à chaque fois que je tente quelque chose ou avant chaque embouteillage pour recueillir leurs commentaires et leurs impressions. Cette pratique n’est pas vraiment commune dans le monde du whisky. Normalement, c’est réservé au mélangeur en chef exclusivement. Mais, pour moi, c’est très important que la rétroaction se fasse avec des gens! Parfois, je leur dis : «  C’est bon, tu connais la recette, va la préparer et si tu crois y être arrivé, nous y goûterons ensemble!  ». Ça stimule beaucoup la confiance en soi et c’est très important pour moi que cette tradition se passe! Tu sais, toutes les distilleries sont modernisées aujourd’hui avec des ordinateurs. Il y a même des endroits où ils mettent un échantillon dans un ordinateur et l’ordinateur affiche une modélisation graphique des propriétés du whisky et, tout ce que le mélangeur en chef a à faire, c’est de faire en sorte que le produit se rapproche le plus possible de cette courbe étalon. On appelle ça la « gastromatography ». Bruichladdich est la dernière distillerie traditionnelle.

FL: Tu as de l’expérience dans à peu près toutes les étapes de la fabrication de whisky. À ton avis, quelle est l’étape qui aura le plus d’influence sur le caractère d’un whisky?

JMc: Ce sont les fûts, et de loin! J’irais même jusqu’à dire que 60 à 70% de la saveur du whisky provient du chêne. Il est très important de se procurer les meilleurs fûts et c’est exactement ce que nous faisons. Un baril est comme une mère pour le whisky. Si la mère est en santé pendant la grossesse, l’enfant sera en santé. Si la mère fume et boit pendant la grossesse, et bien l’enfant aura des problèmes. Tenir une distillerie, c’est un art. Il est difficile de mettre en perspective l’influence de tout ce que tu peux faire quand tu distilles du whisky mais toutes ces petites choses entrent dans l’art de la création du spiritueux. Nous ne pouvons pas affirmer qu’utiliser de l’eau d’Islay fait une différence de 1 ou 2 pourcent, cependant, nous croyons fermement que ça fait une différence. Nous croyons que ça fait une différence de faire vieillir le whisky directement sur Islay. Nous le croyons.

FL: Lorsque nous goûtons du whisky, il arrive que nous employions des termes descriptifs très étranges. Quels sont les termes les plus bizarres que tu as lus ou entendus à propos d’un de tes produits et quels termes étranges as-tu toi-même utilisés?

JMc: Un des pires termes descriptifs que j’ai entendus a été utilisé pour un produit que j’ai fait qui s’appelle le X4. C’est un whisky distillé 4 fois. Un écrivain écossais très reconnu a été invité à une dégustation à l’aveugle dans laquelle il y avait un whisky taïwanais de 3 ans, le X4 ainsi que des whiskies bas de gamme qui n’étaient pas particulièrement bons. C’était une espèce de test arrangé, si tu veux. Je crois bien qu’il avait trop bu avant la dégustation parce qu’à la toute fin, lorsqu’il s’est fait demandé lequel il avait préféré, il a choisi le whisky taïwanais de 3 ans d’âge. Lorsqu’on lui a dit ce que c’était en réalité, il a dit : «  Mon dieu, vous plaisantez?  ». Et bien non, ce n’était pas une plaisanterie, cet homme avait vraiment choisi un whisky taïwanais devant des whiskies écossais. Cet homme, qui gagnait sa vie grâce au whisky écossais, venait de désigner le whisky taïwanais comme étant le meilleur. Il avait clairement trop bu car il avait répondu avec cet air convaincu que certains ont quand ils sont ivres. Il a ensuite décrit mon X4 comme étant de l’huile à machine à coudre. Un whisky à 63,4% d’alcool, distillé 4 fois, possiblement le whisky le plus pur de l’écosse, et il le décrit comme de l’huile à machine à coudre. Inutile de dire que ce n’est pas l’écrivain le plus populaire de l’Écosse en ce moment!

En ce qui me concerne, la pire expression descriptive que j’ai utilisée ou que j’utilise de temps à autre, c’est «  vomit de bambin  ». Tu sais ce lait chaud et sûr qu’un bébé vomit de temps à autre? Et bien parfois, un whisky devient aussi déplaisant que ça et ça arrive quand tu utilises un fût qui est épuisé, dont le bois s’est ramollit. Dans ce temps-là, le whisky devient sûr. Cela dit, les gens ont entièrement le droit d’utiliser les mots qu’ils veulent parce que chacun ne mange pas et ne boit pas la même chose. En bout de ligne, c’est très simple. La seule chose que nous voulons réellement savoir, c’est est-ce que ça sent bon et goûte bon ou pas? C’est aussi simple que ça. Pas besoin de dire que ça goûte la noix de coco fraîchement ouverte pendant que le vent de Sibérie soufflait dessus… c’est de la foutaise la plus totale! On s’en fiche! Tu n’as pas besoin d’essayer de m’impressionner. Ce que je veux savoir c’est : Est-ce que c’est du bon whisky ou pas? Parfois, j’ai l’impression que c’est de la masturbation verbale, tu comprends? Il faut faire attention avec ça. Tu sais ce qu’on dit, la masturbation rend aveugle!

FL: La dernière chose dont je voudrais parler avec toi, c’est le futur de Bruichladdich. Tu parles de prendre ta retraite mais j’imagine que tu ne couperas pas les ponts de façon brusque. Quels sont tes plans à moyen et à long terme?

JMc: Il y a 4 semaines, j’ai fait du gin! J’ai fait du gin traditionnel chez Bruichladdich. C’était très excitant. J’ai utilisé 21 plantes de l’île d’Islay et j’ai produit un superbe gin! Il a reçu de très bons commentaires de la part de plusieurs spécialistes du gin. Il y en a même un qui l’a décrit comme étant l’un des 3 meilleurs gin qu’il a bu! Pourquoi avoir fait ça? Simplement parce que Bruichladdich a besoin de plus d’argent. Nous avons besoin d’argent pour passer au prochain niveau. Nous avons besoin d’argent pour construire des nouveaux entrepôts pour nos fûts, pour faire de la maintenance sur notre distillerie. Nous avons donc besoin d’argent rapide. L’avantage du gin, c’est que je peux le produire aujourd’hui et le mettre en tablette dans un mois. Quand tu es distillateur, tu peux distiller n’importe quoi. J’ai été très chanceux d’avoir ce vieil alambique qui traînait. Il était affreux et hors d’usage. Je l’ai remis en état de fonctionner et je l’ai nettoyé et je l’ai même baptisé «  Ugly Betty  ». Je ne savais pas du tout comment il allait se comporter. Je n’ai jamais dansé avec une grosse Betty avant. J’étais un peu appréhensif et je me demandais si elle n’allait pas exploser ou me marcher sur les pieds, tu comprends? Peut-elle danser, cette grosse Betty? Quand j’ai commencé la distillation, ça a duré 15 heures. Nous avons dansé pendant 15 heures. C’était très régulier et fluide comme distillat. C’était beau à voir. Elle n’a pas fait de mouvement brusque. Le produit résultant est un gin magnifique. C’était ma première fois dans le gin. Il y a beaucoup de premières fois chez Bruichladdich. C’est ce que nous faisons, nous expérimentons. Il y a tellement de gens conservateurs qui racontent toujours les mêmes histoires mais moi, je m’en fous. Tu pourrais penser qu’à mon âge, je porterais attention à ce que les autres pensent de moi mais en vérité, je n’en ai rien à foutre. Les gens auront bien beau dire que je suis fou d’essayer telle ou telle chose mais j’ai les couilles pour le faire et surtout, l’équipe pour le faire. Je peux vraiment dire que j’ai mené une vie remplie et je continue à la mener pleinement, et je n’ai que très peu de déceptions! Dans une vingtaine d’années, tu seras assis à quelque part à boire un whisky de Bruichladdich et tu vas te souvenir de notre discussion et tu souriras en te disant que j’avais raison!

FL: C’est probablement le cas! Merci beaucoup pour cet entretien Jim, ce fût un plaisir.

JMc: Merci à toi et au Club.

Entrevue avec George S. Grant, Brand Ambassador mondial de la distillerie Glenfarclas

Entrevue avec George S Grant, Brand Ambassador mondial de la distillerie Glenfarclas, par Fred Laroche, membre du Club de Whisky de Québec.

Traduction de l’entrevue qui s’est déroulée en anglais.


Fred Laroche – Club de Scotch de Québec: Bonjour George! Comment aimes-tu la ville jusqu’à présent?

George S. Grant – Glenfarclas: Je suis arrivé sur l’heure du midi et jusqu’à présent j’aime bien la ville. C’est ma toute première fois ici.

FL: Il y a donc encore des endroits où il y a des buveurs de whiskies que tu n’as pas visités!

GSG: En effet, il y a encore beaucoup d’endroits que je n’ai pas visités. Le marché du Whisky est en constante expansion et je suis heureux de constater que l’intérêt pour Glenfarclas se propage. Je suis également heureux de voir que la SAQ accorde de l’importance aux produits de Glenfarclas.

FL: Est-ce qu’il y a des endroits dans le monde où tu es surpris qu’on y retrouve du whisky?

GSG: Il y a des endroits étranges qui me surprennent toujours. Les endroits éloignés comme certaines îles dans les caraïbes ou ailleurs, où le bar local est dans la seule grange sur l’île et que, quand tu y vas, tu te rends compte que la seule bonne bouteille qu’ils ont en est une de whisky! Il y a également beaucoup d’histoires de gens qui voyagent dans des endroits étranges et qu’ils ramènent une bouteille rarissime qu’ils ont trouvée à la boutique hors-taxes là-bas. C’est également vraiment spécial d’aller dans le nord de la Russie, près du cercle polaire, et te rendre compte qu’il y a de très bonnes bouteilles de whisky.

FL: Quelle est la plus vieille bouteille de Glenfarclas que tu as vue jusqu’à maintenant?

GSG: Nous avons plusieurs vieilles bouteilles à la distillerie. Nous avons des bouteilles qui ont plus de 115 ans mais c’est tout de même un whisky de 8 ans qui s’y trouve.

FL: Je vais te laisser le soin de nous parler des whiskies que nous allons goûter ce soir et me dire ce que tu en penses.

GSG: D’accord. Eh bien nous avons évidemment la gamme disponible en SAQ. Nous avons le 12 ans, qui est malheureusement en rupture d’inventaire pour le moment mais qui reviendra très bientôt. Nous avons le 15 ans, le 17 ans et le 25 ans. Finalement, nous avons 2 embouteillages spéciaux qui ne sont pas disponibles en SAQ, le 105 et un whisky de 40 ans.

Tout d’abord, l’embouteillage de 12 ans d’âge est la plus jeune expression de Glenfarclas et nous le produisons strictement pour l’exportation. Il est en vente à quelques endroits au Royaume-Unis mais c’est très rare. Pour moi, c’est vraiment le whisky qui représente le nom de Glenfarclas. Glen vaut dire vallée et Farclas veut dire prairie. Il a vraiment ces notes herbacées qui font de lui un whisky tout en verdure.

Ensuite, nous avons le 15 ans et le 17 ans. Fait intéressant, imagines-toi donc que le Canada est le seul endroit dans le monde où l’on retrouve ces deux expressions. En Europe, il y a le 15 ans et en Asie et aux États-Unis, il y a le 17 ans mais ici, il y a les deux. C’est également la première fois où je vais faire une dégustation avec les deux comparés un à la suite de l’autre. Ce sera donc intéressant de voir les gens réagir sur les différences entre les deux.

Le 15 ans est très robuste et contient beaucoup d’influences des fûts de Xérès. Il a des notes de citron et a beaucoup de cette sensation sucrée qu’on a avec Glenfarclas. Il est embouteillé à 46%. Le 17 ans, en revanche, laisse une sensation de beurre en bouche, est embouteillé à 43% et à une finale plus sèche.

En ce qui concerne le 25 ans, ça dit 25 ans sur l’étiquette et c’est exactement que ce que ça dit en bouche! Il y a beaucoup de tanins rouges que tu pourrais associer à un bon Bordeaux par exemple. La chose la plus frappante du 25 ans est sa finale. Il a une grosse finale persistante de chocolat noir amère.

Pour ce qui est de l’embouteillage de 40 ans, le but était de rendre disponible un whisky de 40 ans qui serait accessible à tout le monde. Ce n’est pas un whisky dispendieux. Il se vendrait probablement autour de 600$ ici. Ses saveurs sont très intenses. Il a beaucoup de noix en bouche, très sucré, beaucoup de bois. C’est un whisky très intense.

Finalement, nous avons le 105, qui est notre embouteillage à force du fût. Il est embouteillé à 60% d’alcool et c’est un whisky de 10 ans. Il comporte un profil similaire à ceux que je t’ai décris, mais beaucoup plus intense.

FL: Ça promet. Une chose que l’on remarque immédiatement à propos de Glenfarclas est le côté familial de la distillerie. Quelle génération représentes-tu exactement et quel est le futur de la distillerie à ton avis?

GSG: Glenfarclas a été établie en 1836 mais ma famille a acheté la distillerie en 1865. Je suis donc la sixième génération à travailler à la distillerie. Ce serait vraiment facile de prendre la décision de vendre la distillerie mais nous ne pouvons vendre quelque chose qu’une seule fois et nous ne voulons pas le faire alors nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour que Glenfarclas demeure une entité de propriété familiale et c’est avec l’encouragement de clubs comme le vôtre et des buveurs de whisky de partout dans le monde que nous allons y arriver. Pour le futur, il y a de plus en plus de gens qui supportent Glenfarclas mais il y a également de plus en plus de gens qui s’opposent aux grosses industries, se rapprochant donc des distilleries indépendantes, comme la notre.

FL: Une autre chose que l’on remarque en regardant une bouteille de Glenfarclas est que l’étiquette est toujours très modeste et que vous ne semblez pas mettre beaucoup d’emphase sur la mise en marché des produits…

GSG: En bout de ligne, nous voulons que le Whisky parle pour lui-même. Nous voulons que le contenu de la bouteille se vende de par lui-même. Nous pourrions bien entendu mettre tous les prix que nos bouteilles ont gagnés mais nous voulons que ce soit le goût individuel de chacun qui pousse vers le choix de Glenfasclas. Nous sommes une distillerie familiale et nous n’avons pas de département de mise en marché. Nous n’avons encore moins d’argent à mettre là-dessus. La seule chose que nous avons pour vendre est ce qu’il y a dans la bouteille.

FL: En tant que buveur de whisky, quelle serait ta gamme de prix de prédilection?

GSG: Eh bien je dois avouer que je n’achète pas beaucoup de bouteilles de whisky. Même que j’irais jusqu’à dire que je ne sais pas vraiment ce que vaut tout ce que je goûte parce que je vais à beaucoup de dégustations et qu’on m’y donne souvent des whiskies à goûter. Tu dois comprendre que, dépendamment des régions, chaque whiskies ne valent pas nécessairement la même chose. Par contre, je ne crois pas que le prix soit le seul gage de qualité d’un whisky. Il y a des gens qui se donnent des limites de prix inférieures pour leurs achats et je crois que ces gens manquent beaucoup parce qu’il y a de très bon whisky qui sont souvent en dessous de leur palette de prix. C’est la même chose avec l’âge. Il y a beaucoup d’amateurs de whisky qui renoncent à essayer des whiskies de 8 ou 10 ans d’âges alors qu’il se fait des merveilles dans cette gamme. C’est également très important de revenir en arrière et redonner une chance à un whisky qu’on a déjà essayé parce qu’une nouvelle production sort à chaque année et il y aura nécessairement des différences, aussi minimes puissent-elles être.

FL: La technologie est partout. À quelle point crois tu que la technologie a influence le monde du whisky?

GSG: En ce qui concerne les grosses compagnies, beaucoup! En ce qui concerne Glenfarclas, aucunement! J’irais même jusqu’à dire que mon grand-père est anti technologie, si une telle chose existe! La seule chose par rapport à la technologie qui sert à notre travail est l’avancement en communications. La vitesse de transmission de l’information est beaucoup plus rapide. Ce n’est pas rare de voir un amateur de whisky dans un magasin, en train de regarder le cabinet des bouteilles de whisky et faire des recherches sur internet sur les produits à partir de son téléphone.

FL: Justement, avec l’internet, les communications sont tellement devenues faciles que tout le monde semble avoir son mot à dire sur tout. Quelle est la chose la plus étrange que tu aies lu au sujet de Glenfarclas?

GSG: Il y a toujours les trucs habituels comme le fait que nous avons vendu la distillerie ou que nous faisons quelque chose de différent. Mais honnêtement, l’histoire la plus drôle que j’ai lue sur une distillerie n’était pas sur Glenfarclas mais bien sur la distillerie Arran Malt. Cette distillerie est très jeune, elle a 15 ans aujourd’hui. Au moment de cette histoire, elle avait 10 ans d’activité. L’histoire veut que quelqu’un se ventait d’avoir trouvé un veille embouteillage très rare de Arran Malt 15 ans, alors que la distillerie n’en avait que 10.

FL: Je vais te laisser terminer avec une anecdote que tu retiens d’une dégustation comme celle que nous allons avoir ce soir!

GSG: J’ai évidemment plusieurs histoires, que j’essaierai d’ailleurs de vous raconter ce soir. Les dégustations de whisky devraient être un évènement plaisant. Je suis très chanceux de pouvoir voyager et partager ces expériences avec les gens. Les barrières linguistiques sont souvent un problème mais nous sommes tous rejoints par cet intérêt commun. La dégustation la plus étrange que j’ai vécu à date est en Écosse!

Je n’avais pas réalisé à quel point c’était loin de chez moi quand je m’y suis rendu alors je suis arrivé à cet endroit où je commençais à installer mon portable pour la présentation et j’ai remarqué qu’il y avait environ 90 chaises dans la salle. Je trouvais que c’était beaucoup. L’organisateur est venu me rejoindre pour me dire qu’il y avait un problème. Je me suis dit qu’il n’avait pas vendu de billets et que personne ne viendrait à la dégustation mais je me trompais! Il m’a amené dans la pièce d’à côté, qui était préparée exactement de la même façon, avec pas moins de 80 autres chaises. Je lui ai demandé ce qu’il se passait, s’il faisait deux dégustations ou quoi… Il me répond : « Ça ressemble à ça oui ». Et moi je lui réponds naïvement : « Ah oui? Qui fait l’autre dégustation? » et il me répond: « Toi! ». J’étais mal à l’aise car c’était hors de question que je me tienne dans le corridor à crier à travers les portes pour parler aux gens. Il m’a dit: « pas de problème, Georges. Tout ce que tu as à faire, c’est faire les 3 premiers whiskies dans cette pièce, prendre la pause, venir faire les 3 premiers whiskies dans l’autre pièce, revenir terminer ici et retourner terminer là-bas! ». Heureusement, j’ai eu l’idée de lui demander combien de whiskies que nous allions goûter… sinon j’aurais eu la surprise car sa réponse à été 9!

J’ai donc commencé la dégustation avec les trois premiers whiskies dans une pièce, pas de problème! Je suis traversé dans l’autre, aucun problème encore. Je suis revenu dans la première pour faire les 3 suivants… et je me suis rendu vers la deuxième, qui était d’ailleurs la plus agitée des deux et c’est là que ça m’a frappé, ça faisait 9 whiskies que je consommais! Mais ce n’est pas ça le pire… mais bien les 9 autres whiskies qu’il me restait! Inutile de te dire que je ne me souviens pas avoir terminé cette dégustation. À la fin de la soirée, mon portable était dans une pièce, mon écran dans le corridor et mon projecteur dans l’autre pièce! C’est la seule dégustation que je ne me souviens pas avoir terminée!

FL: Merci beaucoup pour ton temps Georges!

GSG: Merci à vous de me recevoir!

Lancement canadien du Highland Park 40 ans

Je mentionne souvent qu’un single malt scotch se boit avec respect. Une boisson qu’on laisse reposer, mûrir, vieillir pendant 10, 12, 15, 25, 30 ou même 40 ans mérite tout le respect du privilège qui nous est donné d’y goûter.. Même si, je dois l’avouer, les single malts les plus âgés que j’ai eu l’occasion de déguster à cette date ne m’ont pas apporté les plus belles expériences de dégustation, du moins au niveau « gustatif », et tout en considérant les attentes que j’avais au départ.

Plusieurs choses me trottent dans la tête à toutes les fois que j’ai la chance de goûter un single malt d’un âge certain. Quelques-unes des pensées qui me reviennent souvent sont: « Mais qu’est-ce que je faisais, moi, voilà 10, 12, 20 ou 30 ans, au même moment où des gens, en Écosse (ou ailleurs) mettaient à vieillir ce single malt? » ; « Qu’est-il arrivé aux gens du temps? »; Sont-ils toujours en vie? ».

Je pense également au fait qu’il y a probablement en ce moment même, en Écosse, d’autres gens qui mettent des fûts de new make spirit à vieillir, et que, avec un peu de chance, je pourrai, dans quelques années, initier mon fils à déguster cette merveilleuse boisson et qu’il vivra la même expérience que moi dans 30 ou 40 ans. Peut-être pensera-t-il, lui aussi, au fait que ce single malt a été fabriqué lorsque son père avait 40 ans, voilà bien longtemps…

Lorsque je me suis finalement assis à ma table, cette soirée du 1er octobre, devant mes verres de Highland Park dont le dernier était le 40 ans, mon esprit s’est rapidement évadé.

Quarante ans… au début 1967… j’avais quelques mois seulement. Je n’avais même pas appris à marcher. Les Canadiens de Montréal allaient gagner une autre coupe Stanley, les Beatles étaient au sommet de leur popularité, Martin Luther King avait un rêve…

Moi, j’apprenais à découvrir le monde qui m’entourait, j’étais une éponge qui allait absorber toutes sortes d’informations qui allaient me transformer, à travers diverses expériences, rencontres et aventures et qui feraient de moi l’homme que je suis aujourd’hui, 40 ans plus tard, avec mes traits distinctifs, ma « typicité personnelle ».

Pendant cette même période, à plus de 5000km de là, en Écosse, quelqu’un avait mis un fût en période de vieillissement, en espérant que celui-ci donnerait un single malt de goût et de classe particulière. Il n’avait certainement pu imaginer que celui-ci, vieillirait, tout comme moi, pendant plus de 40 ans, en s’imprégnant de son environnement, en se donnant lui aussi une identité unique. 40 ans plus tard, l’homme que je suis et ce fût, délesté de plus de 50% de son contenu (les anges ne sont pas trop gourmands sur l’ile d’Orkney) se rencontraient dans une cave à vin de Toronto. C’est presqu’une histoire d’amour!

Highland Park 40 ans

Dégusté en exclusivité au lancement à Toronto le 1er octobre 2008.

André 91%
Comme le disait Marc Laverdière, ambassadeur de HP au lancement:  » Il faut une certaine dose de courage afin de décider de ne pas embouteiller un malt à 25 ans, à 30 ans et attendre jusqu’à 40 ans afin de pouvoir en tirer ce qu’il a de mieux à nous livrer. » Juste pour l’expérience, de boire un single malt qui a été mis en vieillissement l’année de votre naissance, c’est quelque chose. Première impression: le nez est très sherry, mais « wow » tellement balancé finement qu’il vous enveloppe merveilleusement les narines. Suivent ensuite les vagues d’épices, de fruits et de chocolat noir. Finale légèrement tourbée et fumée, longue et très « sexy »